samedi, février 28, 2009

LE 8 MARS: DES AVANÇÉES ET DES OUBLIS

vol. 9, no. 9, 2 mars 2009, $ 1.00

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Pour nos muses éternelles

La 1ère vice-présidente du Conseil Central du Montréal métropolitain de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Véronique De Sève, signe l’éditorial de la revue Unité de mars 2009 sous le titre de Le féminisme dépassé? Pas sûre! Elle parle de ce choix qui existe désormais pour les femmes, « celui de croire en l’égalité des femmes et des hommes et d’agir collectivement pour que cesse la discrimination basée sur la division et la hiérarchisation des sexes. Toute la société se porte mieux du fait des luttes menées par les femmes. »

Le compagnon de Karl Marx, Frederick Engels a noté en 1850 que « la dure et brutale exploitation des enfants et des femmes à l’époque – une exploitation qui ne lâchait pas prise, tant qu’il y avait un muscle, un tendon ou une goutte de sang susceptible de générer un profit- est demeurée vive dans la mémoire des plus vieilles générations d’ouvriers anglais et plusieurs d’entre eux l’ont frais dans leur mémoire en raison d’une épine dorsale tordue ou d’un membre mutilé, et ils témoignent de leur santé complètement ravagée peu importe où ils vont. » (Karl Marx-Frederick Engels, Collected Works, Vol. 10, International Publishers, New York, pp. 288-291).

Les communistes ont toujours estimé que le degré d’émancipation de la société s’évaluait au degré d’émancipation de la femme. Même si l’Union soviétique n’est pas toujours passée de la théorie à l’acte, on pouvait lire dans la Constitution de 1977 à l’article 35 que « l’exercice de ces droits [égalité entre les hommes et les femmes, ndlr] est garanti par l’octroi aux femmes de possibilités égales à celles des hommes d’accéder à l’instruction et à la formation professionnelle, de travailler, d’être rémunérées en conséquence, de bénéficier de promotions, d’exercer une activité sociale, politique et culturelle; il est garanti également par des mesures spéciales concernant la protection du travail et de la santé des femmes; par la création de conditions permettant aux femmes d’associer travail et maternité; il est garanti par la protection juridique, par le soutien matériel et moral de la mère et de l’enfant, y compris l’octroi de congés payés et autres avantages aux femmes enceintes et aux mères, et la réduction progressive de la journée de travail des femmes ayant des enfants en bas âge. »

C’est une bien longue citation, mais nous ne parlerons jamais trop de ces droits pour les femmes, contre des traditions, des habitudes, des coutumes qui handicapent l’émancipation des travailleuses notamment. Il faut agir. Cela se fait sur le terrain syndical et maintenant certains veulent aller plus loin. Ainsi la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) prépare son 39ème congrès qui aura lieu à l’été à Québec. Il sera question de « l’action politique de la Centrale ou ‘comment la CSQ peut-elle exercer une plus grande influence politique’ [et comme on le dit si bien] cette crise ne sera pas éternelle. » On peut retrouver ces propos dans le numéro de NouvellesCSQ d’Hiver 2009.

Quelques informations internationales

Argenpress a publié un article le 23 février dernier où on mentionne que « Chavez (du Venezuela, ndlr) est le sixième chef d’État à visiter l’île (Cuba, ndlr) en moins de deux mois, précédé du panaméen Martin Torrijos, de l’équatorien Rafael Correa, de l’argentine Cristina Fernandez de Kirchner, de la chilienne Michelle Bachelet et du guatémaltèque Alvaro Colom, cette semaine tout juste. »

De son côté, le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Serguéï Lavrov, comme le rapporte Ria Novosti, repris aussi par Argenpress « plaide pour la normalisation de la situation quant à Cuba et la réintégration du pays antillais dans les instances régionales et mondiales ». Il ajoute que : « l’Union européenne maintient la même attitude et nous espérons une position solidaire de la communauté internationale et obliger finalement les États-Unis à réviser leur politique à l’égard de Cuba et en adopter une plus réaliste », a-t-il aussi déclaré.

Les États-Unis, par ailleurs, en ont peut-être pleins les bras avec la crise économique. L’hebdomadaire People’s Weekly World du 21-27 février 2009 fait sa « une » avec un reportage sur Chicago. « L’histoire de la crise économique s’empare de la ville et de la nation dans chacune de ces maisons où un membre de la famille a perdu son emploi, où les parents luttent pour rembourser leur hypothèque et où les frais d’étude ne font plus des collèges qu’un rêve impossible […] On apporte sa voix au chœur national s’amplifiant en appui au programme de reprise économique du président. »

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samedi, février 21, 2009

S'ARRANGER COMME ON VEUT

vol. 9, no.8, 23 février 2009, $ 1.00

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Le journal The Gazette du 6 décembre 2008 a souligné la mort du centième soldat canadien en Afghanistan, ainsi que celle de deux travailleurs humanitaires et d’un diplomate canadien. Il donne aussi la parole au professeur de l’Université de la Colombie Britannique, en droit international et en sciences politiques, Michael Byers qui prétend « que c’est le temps pour le Canada de jeter la serviette, de se retirer, tout en rendant les honneurs aux soldats morts au combat, et d’entreprendre une mission plus noble ailleurs; ce, en pointant du doigt les politiciens libéraux et conservateurs qui les ont envoyé là-bas. »

C’est un peu en parallèle avec ce qu’a déclaré le premier ministre du Québec, Jean Charest et qui devrait être le point de vue du monde occidental eu égard au droit à l’autodétermination de toutes les nations, c’est-à-dire de voir à leurs propres affaires sans ingérence étrangère. Il a ainsi déclaré à la presse lors de son dernier séjour à Paris après la déclaration du président français sur l’avenir du Québec: « Ce que je sais, peu importe les circonstances, c’est que les Québécois décideront de leur avenir par eux-mêmes […] Ce sera toujours ainsi. Nous avons depuis longtemps dépassé l’étape où quelqu’un de l’extérieur influencera le débat dans un sens ou dans l’autre. » Le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, en faveur de l’indépendance du Québec, abonde dans le même sens: « Le mouvement souverainiste et indépendantiste travaille dans un environnement démocratique exemplaire. » C’est The Gazette du 4 février 2009 qui s’en fait l’écho.

Toutefois, ces politiciens, y compris le nouveau président des États-Unis, Barack Obama, malgré leur bonne foi et leurs intentions, sont corsetés par la logique du système capitaliste qui fait de la guerre un commerce plus que très rentable et suscite incidemment les conflits armés et attise les tensions entre nations: le commerce des armes est un bon « business ». Par contre, en période de crise, surtout comme présentement, on cherche des solutions. Chez nos voisins du sud, le People’s Weekly World, paru le 20 février 2009, affirme que: « Finalement, nous devrons nous diriger vers un système économique plaçant les êtres humains devant les profits, les besoins humains devant l’avidité des corporations. C’est
le socialisme et ça fait de plus en plus de bon sens chaque jour. »

Mais, les communistes n’attendent pas que leur heure arrive comme un fruit mûr, ils contribuent à l’organisation de mouvements populaires. Un peu à l’instar des militants chrétiens, ils tentent de sensibiliser leurs compagnons de travail, leurs amis et les travailleurs en général de la nécessité de lire, d’étudier et de soutenir les travailleurs d’autres pays. À titre d’exemple, Prions en Église de mars 2009 relate que les populations pauvres –mais dignes- s’engagent dans le Sud à « s’organiser et à changer le cours des choses. Et c’est surtout une occasion de rappeler que le partage et la solidarité sont des valeurs incontournables pour les croyants, qu’elles doivent faire partie intégrante de notre vie. » Ce passage est tiré d’un rapport sur l’organisme catholique Développement et Paix.

Les communistes et la crise

À l’occasion, La Vie Réelle a cité des textes religieux ou des extraits de commentaires rédigés par des croyants. Ce serait peut-être utile de lire que Lénine « assurait les croyants du respect de leurs convictions, acceptait l’adhésion de religieux au Parti et avançait la thèse de la subordination de la lutte pour l’athéisme aux exigences de la lutte des classes. » (Lénine, La philosophie et la culture, Jacques Milhau, Éditions Sociales, Paris, 1971, p.120)

Avant lui, Karl Marx écrivit en 1835: « l’Histoire retient parmi les grands hommes ceux qui se sont ennoblis en travaillant pour le bien commun; l’expérience rend hommage à ceux qui ont permis au plus grand nombre d’être heureux; la religion elle-même nous enseigne que l’être idéal que tout le monde voudrait copier s’est sacrifié lui-même pour le bien de l’humanité et qui oserait ridiculiser une telle attitude? » (Collected Works, Vol. 1, International Publishers, New York, 1976, p. 8)

On ne pourrait mettre un terme à cette colonne sans faire état de ce qui sépare malheureusement les communistes des socialistes du Canada sur la crise. Le People’s Voice de la fin février, rapporte que le leader du Parti communiste du Canada, Miguel Figueroa, a affirmé avec beaucoup de détermination que « nous n’avons pas créé la crise économique et que nous n’allons pas payé pour elle. » C’était lors du dernier Comité central du Parti réuni à Toronto le 31 janvier. Paradoxalement, le leader du Nouveau Parti Démocratique (socialiste), Jack Layton, a concédé lors d’un meeting avec la Chambre de commerce de Toronto, le 23 janvier, que « c’est ce courage du peuple canadien qui fait de notre pays un pays fort […] C’est de ce courage que les travailleurs auront besoin pour accepter des coupures de salaire pour que leurs amis puissent conserver leur travail. » C’est impossible de croire que les membres à la base de ce parti de travailleurs partagent ce point de vue; l’expérience l’a démontré dans le passé. Eux aussi sont confrontés au fait que 1 310 000 travailleurs sont en chômage au Canada; comment peut-on accepter que les riches de ce monde puissent dévoyer la richesse du pays vers leurs goussets alors que les travailleurs, même s’ils se serraient tous la ceinture ne recueilleraient que des miettes et qu’en plus on les blâmerait pour leur « égoïsme ». Le Parti communiste, même si ça peut sembler irréaliste, martèle qu’on « doit créer des emplois et assurer les chômeurs d’un revenu adéquat pour tous, incluant des prestations d’assurance emploi au niveau de 90% du salaire précédent pour toute la durée du chômage. » C’est bon à la fois pour les Québécois, et tout autant pour les Canadiens anglais.

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samedi, février 14, 2009

DES BATAILLES ET DES GAINS

vol. 9, no. 7, 16 février 2009, $ 1.00

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La revue Unité, publiée en janvier par le Conseil Central du Montréal métropolitain de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), et ses 92 000 membres du secteur public et du secteur privé, s’est préparée pour l’an nouveau: « À notre vigilance, il faut ajouter à notre liste de résolutions, la détermination de prendre tous les moyens pour accéder à une société plus respectueuse des êtres humains. »

Paraît aussi en janvier-février 2009, le journal de la Fédération des travailleuses et des travailleurs du Québec (FTQ), Le Monde Ouvrier. Cette centrale regroupe 500 000 travailleurs de la Belle Province; leur orientation est claire:
« La défense du français dans les entreprises, les commerces mais également dans toutes les sphères de la société québécoise sera toujours un cheval de bataille important pour la FTQ de même que le plein assujettissement de tous les travailleurs dans tous les secteurs d’activité aux dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. »

Mais l’avenir ne s’annonce pas rose. Ainsi, d’après le journal Métro du 12 février dernier:
« Sans révéler l’ampleur du déficit appréhendé, Mme Jérôme-Forget (la ministre des Finances, ndlr) a affirmé que le gouvernement accuse une baisse draconienne de ses revenus provenant des impôts des sociétés et de la taxe de vente du Québec (TVQ), ce qui le force à renoncer au déficit zéro. »

Quant au gouvernement fédéral de Stephen Harper, conservateur et minoritaire, il a présenté un budget qui lui a valu une réplique cinglante du Parti communiste, dans le People’s Voice du début de février:
« Mais alors que le Canada est confronté à la plus profonde crise économique qui soit survenue depuis des générations, le mouvement syndical et les mouvements démocratiques ne peuvent accepter un tel résultat sans réagir. Nous lançons un appel à intensifier la lutte pour l’unité de la classe ouvrière et de ses alliés afin d’organiser des actions de masse pour chasser les conservateurs de Stephen Harper du pouvoir et pour que soient adoptées des politiques favorables au peuple si désespérément nécessaires en ce moment crucial. »

Ne peut-on pas faire confiance aux communistes?

Pourtant, les travailleurs ne sont pas prêts à accorder leur confiance au Parti communiste même si son analyse de la crise est juste et que le militantisme de ses membres est exemplaire. C’est un peu comme la situation vécue à l’intérieur de l’Église catholique et dont le constat est paru dans le mensuel de février de Prions en Église: « il nous arrive d’exceller, mais parfois aussi de faire l’une ou l’autre maladresse, voire de ‘mettre les pieds dans le plat’. Lorsque cela nous arrive, vous ne tardez pas à exercer votre devoir de vigilance en nous le faisant savoir. » Mais La Vie Réelle a appris que récemment le Comité Central du Parti communiste s’est réuni à Toronto et que visiblement, il y a un regain d’énergie parmi les membres de ce parti politique.

D’ailleurs, People’s Voice de février rapporte les propos du secrétaire général de la jeunesse communiste du Canada, Johan Boyden, traitant de l’avenir des jeunes et des étudiants en rappelant la charte de la jeunesse que
« le Congrès de la jeunesse canadienne avait proposé suite à la marche sur Ottawa pendant la grande dépression. Ce n’est pas une idée poussiéreuse. La jeunesse américaine et les étudiants se mobilisent maintenant autour ‘d’un programme pour la jeunesse’, tout comme l’ont fait les jeunes et les étudiants d’Europe et aussi d’Afrique. »

Aux Etats-Unis, les mois qui viennent seront un test pour la nouvelle administration. Le quotidien Métro du 22 janvier précisait que:
« Le nouveau président des Etats-Unis Barack Obama a exhorté hier les Américains à ‘rebâtir l’Amérique’ dans son discours d’investiture sur les marches du Capitole. »

Il aura fort à faire, s’il n’en tient qu’au rédacteur en chef de la revue Political Affairs, Joe Sims qui écrit le 7 février dans People’s Weekly World de Chicago:
« Au cœur de l’effondrement du système financier et de la récession économique qui l’accompagne se dresse l’appétit dévorant des banques doublé du déclin des salaires des travailleurs pauvres, accentué par une division sociale raciste du milieu du travail. »

Malgré tout le président Obama est en train de redéfinir les règles du jeu. Métro, toujours, confirme le 5 février que: « Le président américain Barack Obama a imposé hier un plafond salarial de 500 000 $US aux hauts dirigeants des institutions financières qui réclameront de l’aide de Washington pour survivre […]
les rémunérations additionnelles de type bonus sont désormais interdites, a aussi annoncé hier le président américain. »

Les 5 de Cuba

Au moment où l’avenir semble incertain, l’auteur de ces lignes relit les lettres et les poèmes que lui envoie fraternellement Antonio Guerrero. Antonio est détenu depuis plus de 10 ans dans un pénitencier états-unien, ainsi que quatre autres jeunes hommes cubains tous séparément, sous de fausses accusations d’espionnage. Néanmoins, il a un moral d’acier et pourrait donner de l’énergie à une armée entière. Du fond de sa cellule à Florence au Colorado, il réussit à maintenir ses amis « strong and positive » comme il le dit si bien. En ce moment, un ami de La Vie Réelle est à traduire en français des poèmes de notre troubadour de Cuba. Leur cause commence à être connue au Québec et au Canada anglais; et la poésie d’Antonio nous touchera sûrement tous un jour ou l’autre. Quand le soleil est timide au dessus de Montréal, on sait ô combien il irradie la grande île des Caraïbes. Si vous désirez communiquer avec lui, n’hésitez pas à vous adresser au bulletin La Vie Réelle à l’adresse suivante :

danieleugpaquet@yahoo.ca


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dimanche, février 08, 2009

LA LITTÉRATURE ET LA CRISE

vol. 9, no. 6, 9 février 2009, $ 1.00

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Eh oui, elle était là, inévitable! Des données s’accumulent: perte possible de 2 000 emplois dans l’aciérie, 1900 confirmés dans l’aéronautique… Depuis les Fêtes du Nouvel An, les médias nous mettaient en garde, avec une nuance: le Québec serait moins touché.

Avec un peu de recul, on peut jeter un œil sur le programme du Parti communiste du Canada qui explique que « le capitalisme monopoliste actuel se caractérise principalement par le rôle dominant des entreprises transnationales […] Mais malgré tout son pouvoir économique et idéologique actuel, le capitalisme monopoliste est plongé dans une profonde crise systémique dont il est incapable de sortir (p.12). [Déjà] il intervient également de manière indirecte au moyen d’un réseau d’instituts et de comités d’experts (« think tanks ») qui lui sont favorables. Il utilise son contrôle sur les médias pour influencer les idées et les attitudes de la population et pour influencer sans aucun scrupule les résultats des élections (p.14). »

Friedrich Engels, compagnon de route de Karl Marx a écrit justement que: « Dans chaque crise, la société étouffe sous le faix de ses propres forces productives et de ses propres produits inutilisables pour elle, elle se heurte impuissante à cette contradiction absurde: les producteurs n’ont rien à consommer, parce qu’on manque de consommateurs. La force d’expansion des moyens de production fait sauter les chaînes dont le mode de production capitaliste l’avait chargée (Anti-Dührhing, Editions Sociales, Paris, 1950, p. 321). »

Espérons que le lecteur n’est pas trop ennuyé par ces incursions livresques marxistes. Il faut se consoler: même les économistes français de droite se sont mis à l’étude du Capital de Karl Marx, alors? De nos jours les crises sont avant tout financières. C’est là l’essence de la crise qui a débuté aux États-Unis; mais quel rôle ont joué les guerres en Irak et en Afghanistan dans cette crise? N’a-t-on pas dit au printemps 2008, que la guerre en Irak, à elle seule, a entraîné des dépenses de plus de 3000 milliards $ depuis son début en 2003? Évidemment, elle ne peut se réduire qu’à de chiffres aussi froids; on ne pourra jamais oublier les victimes états-uniennes et irakiennes.

En 1848, Karl Marx et Friedrich Engels ont rédigé le Manifeste communiste, et estimé que « les crises commerciales par leur retour périodique menaçaient chaque fois l’existence de toute la société bourgeoise. Durant ces crises, non seulement une grande part des produits existants, mais aussi des forces productives créées auparavant est périodiquement détruite (Washington Square Press, Pocket Books, New York, 1977, p. 67). »

Pourtant, il semble que les travailleurs encaissent sans broncher. Un ancien membre du Comité central du Parti communiste français, Lucien Sève, a eu la possibilité de visiter le Québec dans les années 1990. Il a écrit ensuite, à propos du courant révolutionnaire, qu’il se trouve en difficulté: « Il l’est aux USA, au Canada, en Grande-Bretagne, en RFA (République fédérale d’Allemagne, ndlr), où les partis communistes, malgré leurs mérites, ont le plus grand mal à décoller (Communisme, quel second souffle?, Éditions Sociales, Paris, 1990, p. 10-11). »

Enfin discutons d’un dernier témoignage sur ce thème; après tout, nous ne sommes pas là pour nous apitoyer sur notre sort. Le philosophe français Georges Gastaud a porté le jugement suivant sur notre époque : « Jamais l’écart n’aura été si grand entre l’aspiration des peuples à un changement radical et leur soumission idéologique aux forces de l’antichangement, qu’elles soient conservatrices, néolibérales, ultra réactionnaires ou social-démocrates […] Jamais révolution n’aura été à la fois si nécessaire objectivement et si « impossible » subjectivement […] Ainsi se manifeste, à l’échelle mondiale, une crise de l’avant-garde qui livre les peuples, exaspérés par la crise, aux démagogues intégristes, nationalistes et populistes, fidèles serviteurs malgré leur verbe protestataire, du nouvel ordre mondial. (Mondialisation capitaliste et projet communiste, Le Temps des cerises, Pantin, 1997, p. 209-210). » L’élection du dirigeant de Québec solidaire, Amir Khadir, dément heureusement ce diagnostic. L’élection de Barack Obama en tant que président des Etats-Unis sonne le glas d’un certain régime républicain rigide et réactionnaire, mais elle n’est pas un renoncement au capitalisme.

Maintenant que faut-il faire? Se croiser les bras et attendre le Messie?

La littérature et la révolution

De tout temps, des intellectuels, tel le médecin canadien Norman Bethune; des journalistes engagés, comme l’états-unien John Reed et de grands artistes, dont le français Picasso, ont choisi de se joindre aux ouvriers, aux « prolétaires » comme Karl Marx les appelait avec beaucoup d’affection. Son compatriote allemand, Bertolt Brecht (1898-1956) a tenu à préciser, près d’un siècle plus tard, que « dans Berlin conquise, le commandant de place soviétique ordonne dès les tout premiers jours que soient rouverts les théâtres fermés par Hitler. L’ennemi, terrassé à si grand-peine, était invité à se rendre au théâtre (Les Arts et la révolution, L’Arche, Paris, 1970, p. 111). »

C’est très parlant tout cela. Cela démontre toute la place que les communistes réservent aux arts dans la révolution et après la prise du pouvoir par la classe ouvrière. La lutte pour le mieux-être économique s’avère cruciale, mais tout autant celle pour l’esthétisme et le beau. La conscience que le prolétariat et ses amis doivent batailler ferme pour un monde meilleur se confond avec ce projet dans un pays comme le Canada qui ne sera plus capitaliste, mais en route pour le socialisme.

Une petite note d’explication: quand les communistes parlent d’ouvrier, ils n’ont pas pour référence le seul travail manuel; ils incluent aussi le travail intellectuel où les soi-disant professionnels rendent disponibles leur cerveau pour des tâches productives dans la société, même si leurs salaires s’avèrent de loin plus élevés que les travailleurs manuels en général. Faut-il rappeler idem que le communisme est d’abord un mouvement international; ce n’est donc pas étonnant que son action soit de plus en plus concertée et qu’elle se consolide chez les ouvriers des pays industrialisés appuyés par les travailleurs immigrants qui viennent y vivre, que ce soit au Canada ou ailleurs.

Brecht saluait aussi, ouvert à tous les horizons, l’œuvre du soviétique Maxime Gorki: « La haute valeur artistique et politique que représente Gorki dans la littérature russe et la littérature universelle ne peut être mise en doute […] J’ai moi-même porté à la scène son roman La mère et je suis donc un exemple de la façon dont s’exerce son influence (Les Arts et la révolution, L’Arche, Paris, 1970, p. 70). »

Parlant de La mère voici un court extrait, très révélateur du régime tsariste, qui se situe vers la fin du roman: « On la poussait dans le cou, dans le dos, on la frappait aux épaules, à la tête; tout se mit à vaciller, à rouler dans un sombre tourbillon de cris, de hurlements, de coups de sifflets; la sensation de quelque chose d’épais et d’assourdissant pénétra dans ses oreilles. (La Mère, Maxime Gorki, les éditeurs français réunis, Paris, 1952, p. 447). »

C’était avant la révolution d'octobre 1917. C’était avant la Constitution de l’URSS de 1977 qui stipulait à l’article 15 que « le but suprême de la production sociale en régime socialiste est de satisfaire de la façon la plus complète les besoins matériels et culturels croissants des hommes. » Bien sûr, et j’entends beaucoup qui ricanent, le pays de Lénine n’a jamais vraiment rejoint la société de consommation et de confort comme on l’entend en Occident, ravagé par la deuxième guerre mondiale et entraîné dans une course aux armements qui absorbait les forces vives de l’Union soviétique. Mais le Parti communiste de la fédération russe est demeuré le deuxième parti politique en importance en Russie et des millions de citoyens ont confiance en lui pour pouvoir respirer un peu plus l’air de liberté que les capitalistes russes leur ont promis depuis la contre-révolution des années 1990. N’y ont-ils pas droit?

La poétesse Susanne Hamel-Michaud, a réuni ces mots pour composer :

« PAIN DE L’ÉGALITÉ DE LA FAIM - I –

Blé mal levain
Pour le pain de la faim
Et rompre le silence
Au cœur du ventre
Des affamés
Offensés et pillés
Et toi âme alertée
Sous le vent
Pense à ton honneur
À tout un continent
Qui se meurt »

(La Chambre aux miroirs, Editions d’Orphée, Montréal, 1990, p. 45)

En attendant, les poètes au Québec vivotent, naviguant de subvention en soutien financier. Bientôt viendra ce jour où ils regarderont bien droit dans les yeux la classe ouvrière et lui diront: « je marche avec toi, où allons-nous? »


danieleugpaquet@yahoo.ca


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dimanche, février 01, 2009

LES MÉDIAS ET L'OPINION PUBLIQUE

vol. 9, no. 5, 2 février 2009, $1.00

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Déjà en 1918, le premier chef de l’État soviétique, Vladimir Lénine, affirmait que: « La république bourgeoisie ne garantit cette publicité [l’information dans les journaux, ndlr] que pour la forme; en réalité, elle subordonne la presse au capital, amuse la « populace » avec de piquantes futilités politiques, et cache ce qui se passe dans les ateliers, ou au cours des transactions commerciales, des livraisons, etc., sous le voile du « secret commercial » qui protège la « sacro-sainte propriété. » Il va plus loin en écrivant que « la presse doit servir d’instrument à l’édification socialiste; elle doit faire connaître dans tous leurs détails les succès des communes modèles, étudier les causes de leur réussite… » (Œuvres complètes, tome 27, Éditions Sociales, Paris, 1980, p. 269 et p. 270). Les travailleurs acceptaient ces mesures car enfin ils pouvaient voir clair dans la situation et mieux mesurer l’avenir.

En ce moment, les salariés du Journal de Montréal sont en lock-out; ils demandent à voir les livres comptables de l’entreprise: les chiffres prouveraient leurs allégations à l’effet que celle-ci est très rentable et peut s’accommoder de leurs demandes. Au même moment, les relations de travail semblent particulièrement tendues au quotidien anglophone The Gazette. La direction tente de diviser les employés. Ce qui a amené le syndicat à faire la mise au point suivante: « En fait, les personnels de la publicité, de la rédaction et de la RSS négocient ensemble, ont des problèmes et des intérêts communs et demeurent unis dans leur lutte pour des contrats justes. » Ils revendiquent la nécessité que leur vénérable journal demeure authentiquement québécois de par le contenu, plus spécifiquement dans la couverture de l’information. Ils sont affiliés à la Guilde des journalistes de Montréal.

Par contre, des développements positifs s'annoncent pour le monde ouvrier. Ainsi l’hebdomadaire People’s Weekly World de Chicago rapporte que « les plus grandes centrales du pays se rapprochent pour amener les syndicats américains ensemble sous le parapluie d’une seule fédération nationale. » Le communiqué qu’ils ont émis à l’issue de la réunion tenue au début janvier 2009 annonce que: « Le but de la rencontre est de créer un mouvement uni des travailleurs qui puisse parler et agir à l’échelle nationale sur les problèmes critiques confrontant les ouvriers américains. »

En Amérique du Sud

Si la situation est plus subtile en Amérique du Nord, elle est vraiment très cruelle à certains égards pour les journalistes libéraux, progressistes ou même communistes des pays du Sud.

En Colombie, la Fédération internationale des droits humains a régulièrement dénoncé le gouvernement d’Alvaro Uribe pour les exactions des groupes paramilitaires et l’attitude du pouvoir politique eu égard aux menaces de mort et à l’élimination physique des opposants, dont des journalistes, et des syndicalistes de ce pays.

Argenpress informe aussi que le 12 janvier dernier, fut assassiné au Paraguay, le directeur de la radio communautaire Hugua Nandu FM, Martin Ocampos Paez. « D’après un communiqué de l’Association paraguayenne de communication communautaire (COMUNICA), les forces de l’ordre sont sous l’emprise de groupes économiques qui cherchent à intimider l’opinion publique… »

Au Venezuela, la majorité des médias appartiennent aussi à des groupes privés qui ne se gênent pas pour conspuer la présidence de Hugo Chavez , ses réformes populaires et surtout son amitié pour Cuba. Ailleurs, même le président Correa de l’Équateur subit les foudres du journal national El Comercio pour ses visites à La Havane, ses commentaires favorables sur le système de santé et d’éducation de ce pays et sa condamnation de la politique états-unienne d’embargo comme étant absurde. Ce qui est tout de même loin de l’affirmation du journal des milieux d’affaires qui écrit que le président s’est interrogé publiquement sur « la politique extérieure des Etats-Unis » en termes généraux en laissant supposer que M. Corrrea la rejette tout en bloc.

Ainsi les « médias privés du système « agissent, décident, orientent et discriminent » selon leurs intérêts, mais aujourd’hui « ces médias se sont dépouillés du faux vêtement qu’ils exhibaient autrefois (l’objectivité, l’impartialité et la neutralité). » Voilà ce que rapporte Argenpress du 20 janvier 2009. Mais on peut constater que les populations ne s’en laissent plus imposer comme par le passé. Pratiquement, en France, « un sondage publié par le quotidien Le Parisien cette semaine a révélé que 69% de la population appuie le mouvement de grève » qui a déferlé sur l'Hexagone cette semaine pour la création d'emplois notamment, d’après une dépêche de la Société Radio-Canada en date du 29 janvier. En Allemagne, Unsere Zeit, communiste, titre en s’adressant au grand patronat: « Nous ne paierons pas pour votre crise! C’est le temps d’un virage! »

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