mercredi, mai 27, 2009

LE TRAVAIL SANS ENTRAVES

Bernard Doray et Colette







vol. 9, no. 20, 1 juin 2009, $ 1.00

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Avec ce numéro, La Vie Réelle se lance dans l'aventure d'un bulletin avec illustrations; tout n'est pas encore parfait, mais on y travaille. Merci beaucoup de votre compréhension.


Envoyé spécial en France, toute démarche sur la psychologie s’accompagne d’une rencontre avec Bernard Doray, psychiatre de renom. Faute de temps, il m’avait invité au Centre communautaire de Blanc-Mesnil, municipalité communiste en région parisienne. C’était le 5 mai. Un groupe de femmes françaises et algériennes attendaient, avant la discussion sur le travail et ses impacts psychologiques.

L’animatrice lance: « le travail doit être émancipateur. » Il ne faut pas se laisser envahir par ce qu’il signifie présentement; il faut être capable de le dépasser, de mettre en déroute le terrorisme qu’il représente. C’est un engagement et un enrichissement pour toutes.

Une participante témoigne de son expérience au sein de « boulots horribles » notamment chez McDonald’s. Même moralement, il dégrade. Comment pourrait-on réagir autrement quand en pleine crise, on jette de la nourriture aux ordures? Immédiatement, une jeune femme intervient: « et si ce n’était que cela? » Mais, il y a tous ceux qui, épuisés par les tâches, sont jetés comme des « kleenex », s’ils ne peuvent poursuivre le rythme.

Quant au sens à donner au travail, ne se confond-t-il pas, que ce soit à salaire ou à la maison? « Quelle est la différence? » Pouvons-nous être une autre personne, quelqu’un d’autre quand on va travailler?

L’expérience de Colette

Colette a 56 ans. À 17 ans, elle se retrouve en usine à Bobigny, tôt levée à 5h00. Elle en a vu des petits jouets sur sa chaîne de montage; elle en a respiré des produits toxiques, soit la peinture; avec des ampoules les mains pleines. Et des pleurs en cascades.

La liberté, elle l’a d’abord conquise dans le mariage. (Les autres femmes de pouffer de rire; elles ont sûrement passé par là). C’est à l’usine qu’elle a apprise « les choses de la vie ». Pourtant, avec les 800 autres travailleuses et travailleurs, elle a dû se battre et manifester pour les pauses, entre autres pour avoir accès aux toilettes. D’où la naissance de l’entraide. Le salaire? Autant ne pas en parler. Ne fallait-il pas le rapporter à la maison? Après tout « papa était menuisier » et les frères avaient des besoins. Pudiquement, elle ajoute: « je ne savais pas comment me révolter. » Sa jeunesse a été trop dure; même si sa grossesse lui a procuré un temps de repos. À vrai dire, elle n’a eu aucun droit… jusqu’au jour où on lui parle de la Maison des Tilleuls (dans la Cité de Blanc-Mesnil). C’est désormais ici sa famille; elle y est hôtesse d’accueil. Grâce à cela, elle est devenue quelqu’un.

Chassé-croisé

Bernard Doray a écouté attentivement. Il propose une piste tout en délicatesse: « tout cela existait en vous. » Il relève que Colette s’était « adaptée à son sort ». Elle de répondre qu’elle écrit maintenant pour le journal et souhaite être lue. Elle affirme que l’écriture peut être une naissance. Le dialogue se poursuit, se noue. Écrire, c’est nouveau pour elle et thérapeutique. En réalité, on peut être intelligent et porter un bagage. L’intelligence sert « à faire comprendre, à faire évoluer ».

Colette de renchérir en précisant qu’elle a vécu un traumatisme: « J’étais plongée dans un univers de boulot; ici, je suis hôtesse, en dehors je ne suis plus rien. » Elle ajoutera qu’elle a plein de projets pour Blanc-Mesnil, dont celui de couturière pour les majorettes.

M. Doray note un clivage. Les activités de Colette sont bonnes en partie et difficiles dans une autre; toutefois, la non vie prend encore trop de place. Il valorise l’idée d’une coopérative de travail qui mettrait à contribution photographe, graphiste et couturière, soit la mise en commun du travail manuel et du travail intellectuel. Faute de cet épanouissement, Colette meurtrie avoue: « et j’ai puni mon mari pendant 26 ans ».

Parler et dire

Bernard Doray revient sur la signification du travail, par exemple de cette activité en marge que fut le mariage de Colette et qui lui a donné une « certaine forme de liberté ». D’ailleurs, l’usine, ce n’est malheureusement pas symbole de liberté, mais le lieu pour faire du « pognon ». On a besoin d’une Charte sur le travail, enfin définir comment « il doit respecter la personne humaine. » Il importe de poser un regard fier contre l’abrutissement du travail (salarié, ndlr).

C’est le côté irréversible de l’histoire, de notre histoire collective. La question finale pour cette réflexion fut d’approfondir ce qu’est un collectif. Comment l’assumer? D’autant plus, que ça nécessite un mouvement de la pensée.

Si jusqu’ici on nous a fait taire, désormais, il faudra dire les choses!

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vendredi, mai 22, 2009

DE BONNES NOUVELLES POUR LA HAVANE

vol. 9, no. 19, 25 mai 2009, $1.00

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Les Cinq de Cuba auront bientôt des nouvelles concernant leur cas aux États-Unis. On attend une décision de la Cour suprême du pays qui pourrait accepter leur appel. Cette décision sera rendue quelque part en mai ou en juin 2009. On pourra en connaître davantage en consultant le site: http://www.freethefive.org/, ou encore en écrivant à info@freethefive.org.

Notre ami Antonio Guerrero, l’un d’entre eux nous a écrit en avril à propos de sa situation. Il est bien lucide sur ses conditions de détention et sur le fait, comme il le dit lui-même que « la population des prisons, que l’on peut voir comme le prolongement d’un système plus vaste, continuera à croître comme cela se fait présentement. » Il a en vue : le racisme, l’activité des gangs, la culture de la drogue… Il trouve ironique que les États-Unis qui se présentent comme le « pays des rêves » maintiennent la plus grande population pénitentiaire au monde. Mais comme il le précise avec fierté: " nous n’abandonnerons jamais le combat et nous vous remercions pour votre appui. Venceremos!"

Pendant ce temps-là, et aux États-Unis toujours, plus de 1,300 personnalités des arts et de la culture ont signé une lettre adressée au président Obama pour « amorcer, de concert avec le Congrès US, un processus qui débouchera sur le développement de relations normales, respectueuses et bilatérales entre nos deux pays. » L’hebdomadaire de Chicago, People’s Weekly World de la fin mai 2009 a insisté sur ce dernier aspect.

Et au Canada

Au même moment, à Kingston, ville militaire, universitaire et historique située dans la province de l’Ontario (voisine du Québec), d’ailleurs celle la plus riche -et peuplée- du Canada, s’est déroulé le festival Cubafest. Ce projet a reçu l’appui du conseil municipal qui, depuis le mois de septembre 2004, a jumelé sa ville à la ville de Cienfuegos. C’est unique au Canada.

D’après la coordinatrice de l’événement, Nancy Hunt (qui s'est confiée à Prensa Latina), Cubafest veut devenir un événement culturel annuel. En marge des activités culturelles, à proprement parler, des débats ont eu lieu à l’Université de Queens, sur des thèmes allant de l’économie cubaine jusqu’à la religion et l’environnement, en passant par la politique et le gouvernement, les relations internationales, la diaspora, la culture, les rapports raciaux, la sexualité, l’éducation et la santé.

Le gouvernement cubain attachait beaucoup d’importance à ce festival puisque même le président de l’Assemblée Nationale, Ricardo Alarcon, était sur place.

Quant au gouvernement canadien, il avait d’autres chats à fouetter. Ne voilà-t-il pas que le ministre de la Défense, Peter MacKay, annonce que « le Canada pourrait bien rester en Afghanistan après 2011 », selon ce que rapporte le quotidien Métro de Montréal. On prévoit que les militaires canadiens « se concentreront sur les zones populeuses, au dire du ministre », où vit 60% de la population de la province de Kandahar. De plus, on presse le Canada de déployer ses bombardiers F-18.

Bien sûr, la part du budget dépensée pour la « mission » canadienne en Afghanistan représente un réel gaspillage des fonds publics, alors que le gouvernement du Québec devrait recevoir davantage pour les besoins sociaux. D’ailleurs le Conseil Central du Montréal métropolitain de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) dans sa revue Unité de mai 2009 insiste: « Le salaire minimum doit être augmenté afin d’atteindre le seuil de faible revenu (22 772$/an) » afin que les travailleurs préservent un pouvoir d’achat.

Il n’y a pas lieu de s’étonner si après tous ces combats en Afghanistan, les nationalistes gagnent du terrain au Québec, dans la mesure où ils ne se sentent pas représentés et plutôt abandonnés par des politiciens qui n’ont aucune sensibilité à propos des véritables aspirations de tous les Québécois, soit de vivre dans un monde de paix, de profiter davantage de la distribution des richesses créées par les travailleurs, de soutenir les revendications des peuples ailleurs dans le monde en passant par le dialogue, la tolérance et le respect des valeurs historiques des nations, donc de proclamer et bâtir la démocratie. Voilà ce que nous devrions lire dans le journal Métro et non pas de sempiternels reportages sur des visions vieillotes de l’avenir du Québec.

Mais la palme de l'ineptie et de la servilité face aux intérêts étrangers, c'est encore le très conservateur quotidien The Gazette de Montréal, en date du 12 mai, qui nous l'offre en jouant les vierges offensées et critiquant dans des termes à peines voilés la décision du gouvernement cubain de reporter à plus tard la visite du Ministre d'État pour les affaires étrangères du Canada aux Amériques, Peter Kent, qui, suite à la volte-face états-unienne récente favorisant certains échanges commerciaux (ex. dans les télécommunications) avec Cuba, s'est dépêché de réserver son strapontin dans le premier vol pour La Havane afin "de faire pression sur le gouvernement cubain pour qu'il relâche les prisonniers politiques et favorise plus de libertés démocratiques."




Seriez-vous surpris d'apprendre que ce ministre conservateur a agi en toute connivence avec la bénédiction et l'encouragement de l'entourage de la Secrétaire d'État US, H. Clinton? En fait, le gouvernement canadien de Stephen Harper cherche déjà à démontrer aux autorités des États-Unis qu'ils possèdent "l'expertise" pour administrer le Canada et qu'il faut les appuyer, au détriment du Parti libéral, lors des prochaines élections fédérales qui pourraient avoir lieu aussitôt qu'à l'automne 2009. Seuls ces deux partis sont en mesure de former le gouvernement, c'est l'héritage du bipartisme.




Malgré tout le Parti communiste du Canada sort de son isolement comme en témoigne la récente campagne électorale dans la province de Colombie-Britannique, donnant sur l'Océan Pacifique. Le journal du parti, People's Voice de la mi-mai, rapporte l'impact grandissant de ses porte-parole et son influence parmi les ouvriers et les communautés asiatiques, notamment du Punjab.




Comme le soulignait aussi dans le bimensuel, Sam Hammond, le président de la commission syndicale du parti, celui-ci n'est pas sans influence. Les directions syndicales actuelles seraient davantage visées par cette érosion de leur autorité. En fait, le leader communiste estime que "le Congrès du Travail du Canada, la Fédération des travailleuses et des travailleurs du Québec et la Confédération des syndicats nationaux ne peuvent se retrancher dans leur solitude respective alors que la classe ouvrière canadienne est grugée petit à petit."




Les communistes du Canada croient que le repli des travailleurs ne signifie pas la résignation; ils reculent pour mieux sauter.



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vendredi, mai 15, 2009

PARIS, BELLE ET REBELLE




UN POINT DE VUE CANADIEN-FRANÇAIS

vol. 9, no. 18, 18 mai 2009, $ 1.00

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Il se mène une guerre tous azimuts en France contre la classe ouvrière. Si ce n'était que pour des parts de marché, on ne sursauterait guère, tant Coca Cola, Lays, et leurs produits alimentaires font leur chemin dans ce pays de haute gastronomie, mais il ne s'agit pas de cela, on voit plutôt la campagne insidieuse et vicieuse contre le Parti communiste français. Citons l'édition européenne du New York Times, i.e. International Herald Tribune du 12 mai qui s'en prend au communisme en Chine pour prendre à revers ces idéaux et appeler à une réforme idéologique en laissant sous-entendre que ces valeurs sont surannées. Le tout est discret, feutré et appelle à une certaine réflexion. La presse française n'est pas en reste; le quotidien Les Échos se référant à l'époque de la direction de Staline et Mao analyse un ouvrage sur les Khmers Rouges au Kampuchéa et conclut que ce livre "instruit aussi le procès d'un communisme particulier qui, même si cela dérange, a certaines racines françaises."

Pour ce qui est de la crise dans les pays capitalistes, on parle peu de la riposte des travailleurs, d'une riposte de masse faut-il préciser. Le lendemain du 1er mai, fête internationale des travailleurs, il n'y avait guère de quoi à se mettre sous la dent dans les quotidiens La Croix (catholique), Le Monde (libéral) et Le Figaro (conservateur). Seule l'Humanité (communiste) faisait sa une en clamant "La force de l'unité" avec une grande photographie pour la circonstance. Il y a des traditions en France; en témoigne un roman d'André Stil (L'ami dans le miroir, Julliard, 1977) dont un des protagonistes dit: "Je ne demande pas l'impossible. Un petit peu plus de sous, un petit peu plus de repos, ce serait déjà bon à prendre. Le reste, l'avenir, comme tu dis..."

La gauche: un nouvel envol

Et l'avenir, nous y sommes déjà avec la campagne pour les élections européennes du 7 juin 2009. Ainsi, s'est créé le Front de Gauche qui réunit la Gauche unitaire, le Parti de Gauche et le Parti communiste français et d'autres mouvements; le Directeur du journal l'Humanité, ci-haut cité, Patrick Le Hyaric en est la tête de liste en Ile-de-France qui regroupe entre autres Paris. Fort à propos, et sous la présidence de Catherine Margaté, Maire de Malakoff, s'est tenue une rencontre-débat où les candidats du Front de gauche ont exposé leurs idées. Le discours de Patrick Le Hyaric est clair: un pouvoir pour les travailleurs et un contrôle sur les géants de l'économie européenne et internationale. En fait, il reprenait sans le savoir beaucoup des conceptions de l'ancien secrétaire général du Parti communiste du Canada, Tim Buck, qui avait réorienté la lutte des communistes canadiens contre l'impérialisme états-unien dans les années d'avant-guerre.

Le candidat a souligné l'importance de la solidarité internationale, avec le peuple palestinien notamment. Il rejoignait là les conceptions-clé de Miguel Figueroa, chef du Parti communiste du Canada. On sait que les communistes canadiens ont toujours voulu avoir les liens les plus étroits avec les communistes d'autres pays même si, à première vue, ils n'épousent pas tous les mêmes contours. Au Canada, l'action, l'engagement contre la domination des multinationales nord-américaines n'est pas un vain mot. Le journal Les Échos, toujours, précise, lui, que les multinationales du pétrole, tant états-unienne que française vont plutôt bien et que "la hausse du baril redonne des marges de manoeuvre aux majors pétrolières." Les faits démontrent aussi que déjà vis-à-vis l'OTAN, les communistes du Canada et de France pourraient faire un bon bout de chemin ensemble.

Le Parti communiste français, sous tous les angles, est un grand parti politique. La vitalité de la presse communiste n'est plus à démontrer. On doit souligner le fait que l'Humanité en français est maintenant diffusée en partie en anglais, en espagnol et en russe. Ce n'est pas peu dire, sans compter la magnifique revue L'Humanité Dimanche qui fait l'envie de plus d'un.

C'est ensemble que nous pouvons vaincre

Il y aurait beaucoup à écrire sur la nécessaire solidarité entre les communistes du Canada et ceux de France, à commencer par l'expérience de "Front de gauche" au Québec qui s'enracine et a pour nom le Québec solidaire avec déjà un premier député à l'Assemblée nationale et un programme économique et politique similaire à celui de France. En plus, les communistes nord-américains pourraient apprendre beaucoup des municipalités communistes, comme celle de Malakoff dont la Maire, Catherine Magarté, était l'hôte de la rencontre pré-citée. La commune est pour la paix; elle a un marché dynamique qui lui donne un air villageois certains jours de la semaine; elle a un stade Lénine et un centre culturel Pablo Neruda. Vie agréable et solidaire!

Finalement, les milieux impérialistes et conservateurs veulent faire croire aux gens de gauche, surtout aux communistes français que l'avenir est à "l'esclavage" économique; et enfoncer dans le crâne des communistes nord-américains que la "déroute sans cesse annoncée" du PCF, c'est le destin des partis communistes et leur échec programmé. Aucun avenir!?

Mais vous auriez dû voir le 1er mai, le visage médusé et extasié d'un jeune communiste français quand il a appris l'existence de communistes aux États-Unis et au Canada et que lui, à 17 ans, et ses camarades de 14, 15 et 21 ans pouvaient compter sur des jeunes qui se démènent comme de beaux diables à Montréal, Toronto ou Vancouver pour la justice et la liberté, en particulier celle de notre ami cubain Antonio Guerrero, un des Cinq de Cuba.

Certes l'oncle Sam et ses machins de guerre sont en alerte aux quatre coins du monde à toute heure, mais la quête de dignité, d'une vie meilleure fait battre le coeur de centaines de millions de femmes, d'hommes et de jeunes partout sur la planète et même quand ils dorment, ils rêvent...

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