mercredi, septembre 22, 2010

DÉMOCRATIE -- DIMOKRATIA

vol. 10, no. 14, Nouvelle édition, 27 septembre 2010

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Revoir les classiques n’a pas pour but d’anéantir le néophyte ou le lecteur qui a un peu oublié ceux-ci. Un lecteur de La Vie Réelle, mis au parfum, avait fait remarquer que cela écraserait ou ennuierait le lecteur. Il fallait donc rendre le tout stimulant et vivant. La Vie Réelle relève donc le défi et vous propose comme sujet : l’histoire de la démocratie, des Grecs… aux Grecs.

L’Antiquité grecque a vu les populations s’installer au sein de Cités-États; certaines atteignaient jusqu’à 300 000 habitants comme Athènes, environ 400 ans avant Jésus-Christ. L’Univers, à cette époque, était sous l’emprise des Dieux, de Zeus en particulier; quant aux dirigeants terrestres, ils étaient très souvent considérés comme des demi-dieux ou des rejetons de certains dieux qui avaient eu une relation particulière avec les être humains, par exemple le Minotaure.
La pièce de Sophocle, Antigone, révèle que les Cités, à Thèbes par exemple, étaient pour la plupart, à ce moment-là, sous la férule de tyrans, tel Créon.

Il n’était pas question de parler de l’égalité des sexes; les femmes étaient minorisées : « We must remember we are women born ». (Dover Thrift Editions, New York, 1993, p. 3). On aurait pu lire d’autres pièces du théâtre antique, sous la plume de Sophocle (Ajax, The Women of Trachis, Electra et Philoctetes), et les thèmes majeurs étaient aussi révélateurs. (Sophocles II, Washington Square Press, New York, 1973, 264 p.).
(Photo: influence de l'architecture gréco-romaine jusqu'à nos jours; ici le Panthéon à Paris).

On a parfois l’impression que les choses ne changeront jamais, que rien ne bouge. Socrate a vécu, son disciple Platon (de 427 à 347 avant le Christ) a livré son héritage dans « The Republic ». Il a voyagé, il a œuvré à Athènes où il a fondé l’Académie. Dans le livre ci-haut mentionné, il commence : « Il devrait donc être clair que l’amour de l’argent et l’autodiscipline adéquate chez ses citoyens sont deux choses qui ne peuvent coexister dans n’importe quelle société; on ne peut accepter les deux à la fois ». Platon met en garde contre l’anarchisme cependant et réaffirme qu’il y a inévitablement « lutte des contraires ». Il observe que la vie est riche d’évènements en démocratie; en vivant selon l’inspiration du moment : « un jour, c’est le dur entraînement physique; le suivant, l’indolence et la nonchalance; et après, l’étude de la philosophie. Souvent, le citoyen s’adonne à la politique et bondit dans l’arène en disant ou faisant ce qui lui passe par la tête […] Il n’y a pas de marche à suivre ou de contrainte dans la vie, et il mène sa vie de façon paisible libre et heureuse au goût du jour (pp. 319-320), [il insiste] La liberté. Vous devez avoir entendu parler que c’est le plus grand mérite de la société démocratique et c’est la seule société dans laquelle un homme libre peut réellement vivre. » (p. 321).
Il rappellera que la tyrannie est la plus sauvage sujétion. Ceux qui tirent le plus d’avantages de la démocratie sont : « les masses populaires, gagnant leur propre vie, prenant peu d’intérêt dans la politique et qui sont peu fortunées. C’est la classe la plus nombreuse en démocratie, et lorsqu’elle est rassemblée, elle est souveraine (Penguin Books, London, 1987, p. 324).

Aristote, un autre grand philosophe de l’Antiquité grecque, né en Macédoine en 384 avant Jésus-Christ a rédigé « The Politics" . Il semble plus rigide que Platon sur ce qu’il définit comme étant le « citoyen », le « travailleur », « l’oligarchie » et la « démocratie ». On dirait parfois qu’il a rédigé des définitions sans prendre partie. Par exemple, il dit : « Une démocratie existe quand ceux qui sont libres ne sont pas riches, en constituant la majorité et assumant le contrôle souverain du gouvernement; l’oligarchie s’exprime par le contrôle des riches et privilégiés, ils sont peu nombreux. » (p. 245).
(Photo: Basilique Marie-Reine-du-Monde -Cathédrale-, influence gréco-romaine à Montréal).

Aristote énumère différents types de démocraties. La plus près de ce que nous vivons au Canada, c’est : « la première variété de démocratie et se fondant sur le principe de l’égalité. Dans une telle démocratie, la loi est la même pour tous, riche ou pauvre, et tous jouissent de droits similaires. La constitution du pays garantit la liberté et celle-ci est la plus complète en démocratie. Mais puisque le peuple est en majorité et que la décision de la majorité est souveraine, l’état des choses doit demeurer une démocratie ». (p. 250). Mais les droits ne sont parfois que formels, dépendamment de la place qu’un citoyen occupe dans la confrontation des classes sociales.

Le philosophe conclut : « Le résultat inévitable est que de tous les principes dans la constitution, il importe d’être gouverné par des hommes respectables, d’une conduite irréprochable et sans préjugés à l’égard de la population, dans son ensemble ». (Penguin Books, London, 1981, p. 369).
Beaucoup plus tard, au Siècle des Lumières, le français Montesquieu a écrit l’essai De l’esprit des lois (vers les années 1740), où il affirme : « L’amour de l’égalité, dans une démocratie, borne l’ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens […] En naissant, on contracte envers elle une dette immense dont on ne peut jamais s’acquitter (Éditions sociales, Paris, 1977, p. 70).
Voltaire, lui, n’était pas trop favorable à l’idée du système démocratique : « … il fera beaucoup de fautes, parce qu’il sera composé d’hommes. La discorde y règnera… » (p. 81). Il a tout de même souligné que « … le gouvernement populaire est par lui-même moins inique, moins abominable que le pouvoir tyrannique ». (Œuvres philosophiques, extraits, Classiques Larousse, Paris, 1934, p. 80).

En travaillant sur L’Encyclopédie, Denis Diderot exprime le propos, dans les années 1750, que : « Le gouvernement, quoique héréditaire dans une famille et mis entre les mains d’un seul n’est pas un bien particulier, mais un bien public, qui, par conséquent, ne peut jamais être enlevé au peuple, à qui, seul, il appartient essentiellement et en pleine propriété » (p.36). Dans les années 1773-1774, il a voyagé en Russie où la Grande Catherine II impératrice de la Russie l’avait invité à venir terminer L’Encyclopédie. À Voltaire, il confie : « Tout gouvernement arbitraire est mauvais; je n’en excepte pas le gouvernement arbitraire d’un maître bon, ferme et éclairé […] Un despote fût-il le meilleur des hommes, en gouvernant selon son bon plaisir commet un forfait ». (L’Œuvre de Diderot, Libraire Hachette, extraits, Paris, 1953, p. 63).

Quant à Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), esprit brillant, il doutait - à la manière de Voltaire- de la capacité des hommes de vivre en démocratie. Toutefois, il affirme que : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout ». (Du Contrat social, extraits, Nouveaux classiques Larousse, Paris, 1973, p. 30).
Et maintenant?

À l’occasion du vingtième anniversaire de la démolition du Mur de Berlin en novembre 1989, le Parti communiste de Grèce (KKE), a publié à Athènes un très beau document qu’il a intitulé « La vérité sur le mur de Berlin », pour faire la part des choses pour les travailleurs vivant auparavant en démocratie socialiste, ce qui signifiait : un emploi stable et garanti, soins de santé gratuits et de qualité, loisirs et repos, une vie culturelle riche et diversifiée, un système de sécurité sociale généralisée, le développement technique et scientifique hors-pair; la conquête de l’Espace au programme! (Logo Internet: le Parti communiste de Grèce - KKE).

Des millions de travailleurs, notamment en République démocratique allemande savent – pouvant comparer le socialisme au capitalisme – ce qu’ils ont perdu. Ce n’est pas étonnant que le taux de productivité au travail soit si bas ou stagnant. Il n’y a rien qui les motive, les salaires sont pitoyables…
Il en va de même dans les pays capitalistes « ordinaires » quand on coupe les salaires. Expérience à l’appui dans les hôpitaux québécois dans les années 1980. Le bulletin de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Webdo Hebdo, expliquait récemment (16 septembre 2010) que dans le conflit de travail chez la compagnie forestière AbitibiBowater, "les travailleurs avaient dû consentir à une diminution de 17% de la masse salariale pour maintenir le plus d'emplois". La classe ouvrière a cédé, le couteau sur la gorge.
Par ailleurs, le dramaturge allemand Bertolt Brecht notait en 1956 : « La séparation des deux Allemagnes est une séparation entre ce qui est vieux et ce qui est neuf. La frontière entre la R.D.A. et la République fédérale sépare la partie où ce qui est neuf, le socialisme, exerce le pouvoir, de la partie où règne ce qui est vieux, le capitalisme. (Les Arts et la révolution, l’Arche, Paris, 1970, p. 178).
Histoire de révolutions
Le Siècle des Lumières dont nous parlions ci-haut a inspiré les révolutions bourgeoises (ou capitalistes) : États-Unis en 1776, France en 1789 et les guerres napoléoniennes ont contribué à essaimer l’Europe avec les idées de ces grands penseurs.

La révolution industrielle qui a émergé de l’Angleterre été déterminante. Elle a créée une nouvelle classe sociale : la classe ouvrière ou le prolétariat. Dans le sillage, de brillants révolutionnaires, battants et surtout généreux, car ils auraient pu vivre très aisément de leurs nombreux talents, ont pris fait et cause pour elle. Nous parlons de Karl Marx et de Vladimir (Oulianov) Lénine. Ils ont préparé et pris part dans le cas de Lénine à une révolution que le journaliste états-unien, John Reed, a tout de suite qualifié comme étant « Les dix jours qui ébranlèrent le monde ».
En octobre 2010, les partis communistes et révolutionnaires marqueront son 93ème anniversaire. C’était un nouveau type de démocratie, la démocratie des travailleurs. Elle a rapidement influencé la classe ouvrière de par le monde entier, au Canada par exemple, mais notamment celle de la patrie de Platon et d’Aristote. Il fallait pour réaliser l’enchaînement avec le « berceau de la démocratie » revenir à la péninsule hellénique.
(Photo SolidNet: manifestation des communistes grecs à l'Acropole, printemps 2010).

La Grèce, qui a connu les occupations étrangères (l’Empire ottoman, plus de 300 ans; et la Grande-Bretagne…) ainsi que la soumission aux pouvoirs étrangers (le PASOK, - le parti socialiste - pour les riches familles grecques; les diktats de l’Union européenne et les manœuvres de l’impérialisme US), veut donc, sous la direction de son parti communiste – le KKE - , instaurer une démocratie d’avant-garde et responsable vis-à-vis des travailleurs : en un mot donner enfin la chance à la classe ouvrière et aux couches populaires grecques de mener de front la modernisation du pays et garantir le bien-être du peuple.

Le quotidien montréalais Métro (22 septembre 2010) relevait que « plus de 2 000 camionneurs grecs ont défilé hier devant le Parlement, dans le centre d’Athènes, au neuvième jour des manifestations contre les réformes gouvernementales […] Le gouvernement grec s’est engagé à entamer ces réformes en échange du plan d’aide de 150 G$ de prêts accordés par l’Union européenne et le Fonds monétaire international ».
(Photo SolidNet: manifestation des camionneurs grecs en juillet 2010 à Athènes).
C’est sûrement propagandiste que d’exprimer ce débordement d’émotions, mais il faut bien l’avouer qu’aujourd’hui – dans le pays de Zorba le Grec - les ouvriers, les retraités, les chômeurs… tous, jeunes et moins jeunes secouent le joug de la démocratie bourgeoisie ou capitaliste. Ils sont de plus en plus nombreux à soutenir le KKE pour la démocratie ouvrière ou socialiste. Comme ils le disent à Athènes : Zito o KKE! Vive le KKE!

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