jeudi, mai 20, 2010

PARIS AU PRINTEMPS

vol. 10, no. 5, Nouvelle édition, 25 mai 2010, $ 1.00

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Quelle belle escapade! Mais faisons un peu de « potinage »; même si ce n’est pas le genre de la maison. J’utilise aussi le « je » pour brosser un tableau intimiste d’un voyage formidable à Paris.
Je ne suis pas de ceux qui disent : ah, les Français sont comme ci, ou encore comme ça! Certes, il y a des traits nationaux, ne serait-ce que l’accent; toutefois, la société française comme la société canadienne est surtout traversée par des courants de classe sociale. Constat: les travailleurs de France ressemblent, quant à leur psyché, aux travailleurs du Canada.

Ce qu’il y a d’intimidant là-bas tient à peu de choses en réalité. D’abord, je suis originaire d’une petite municipalité de banlieue au nord de la ville de Québec -Orsainville-, où enfant, je partageais ma vie avec à peu près 2 000 habitants. Paris, c’est donc une très grande ville, un peu gigantesque même. Pour cela, ça va. L’embêtant, c’est qu’après avoir beaucoup milité dans des mouvements politiques et sociaux au Canada –et j’en préviens mes amis- j’ai eu des problèmes de santé. Il faut savoir préserver sa santé physique et mentale. Les conséquences sont parfois douloureuses et elles peuvent se manifester toute la vie. Ainsi, prenant des médicaments, on peut avoir des effets secondaires gênants.

Ne serait-ce que des « tremblements de mains », parmi d’autres, qui laissent perplexes nos interlocuteurs. Quant à moi je me dis : « me regarde-t-on? Est-ce que je suis jugé? Ai-je une certaine crédibilité? Bref, l’inconfort! Et comment peut-on dire à des gens que l’on connaît à peine que l’on a souffert d’une maladie?

Heureusement, j’étais reçu chez des amis, dans la famille Fuyet, à Malakoff dans une banlieue communiste de Paris. Hervé, le papa, est un grand intellectuel. Vous devriez voir sa bibliothèque : une vraie librairie! Mais il est aussi ceinture noir en karaté. Il faut tout de même le faire; il a –et je ne l’ébruiterai pas- plus de 70 ans. Sa fille, Peggy, aussi karatéka (championne de France ou quelque chose du genre) étudie le chinois mandarin. D’ailleurs, elle parle couramment l’anglais et le français. Elle commence à maîtriser le chinois, ça va de soi.

Peggy, est emblématique de l’avenir de la France et de la planète, dirais-je. Elle est métissée, jeune et très jolie. Tout de suite, je pense au temps des empires de l’époque gréco-romaine sur le pourtour de la Méditerranée : que ce soit en Sicile, au Liban ou en Grèce, les populations se sont fondues l’une dans l’autre et le résultat c’est que les habitants de ces contrées ont aujourd’hui un air de parenté et ils sont en général très beaux physiquement.


(Photo: Peggy à gauche et Violette à droite pendant une pause)
Le Premier mai, journée internationale des travailleurs, nous nous sommes rendus à un point de vente pour offrir aux passants du muguet. Violette, une jeune femme, communiste, en a profité pour amorcer une discussion sur le Québec. C’est charmant non, Violette qui vend des fleurs. En après-midi, ce fut la participation à la manifestation des travailleurs, plus de 45 000 a-t-on rapporté. Et des communistes en grand nombre.

Communistes, communistes, communistes… Est-ce que c’est le seul mot que j’ai en tête? Non, mais quand on va en France, il faut se préparer à en voir plusieurs. Il y a des traditions là-bas. D’ailleurs, j’ai pu rencontrer un révolutionnaire dont le mouvement politique est demeuré dans la pure lignée des grands du mouvement communiste français; il s’agit de Daniel Antonini, un des dirigeants du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), un ancien leader du Mouvement de la jeunesse communiste de France (MJCF). Nous avons eu une longue conversation; en premier lieu dans un restaurant typiquement français –nos restaurants La Belle Province font un peu pic-pic à côté de cela!-; ensuite, en voiture durant une visite des plus beaux sites de la capitale. Au Trocadéro, près de la tour Eiffel, nous avons continué de "jaser". Près de cette oeuvre assez grandiose, nous avons rencontré des amis cubains et français exigeant la libération des Cinq de Cuba dont nous avons déjà parlé dans le bulletin (et nous en reparlerons encore).

Par ailleurs, n’allez pas croire qu’il n’y a plus de démocrates authentiques au sein du Parti communiste français (PCF). Un après-midi, Marie-France Astegiani m’a guidé vers l’édifice de la Confédération générale du travail (CGT) pour y rencontrer des camarades. Ce qu’il faut savoir d’elle principalement, eh bien c'est qu' elle siège au Comité national du PCF; oui, elle est dirigeante… Et puis, on parle à bâtons rompus : « tu sais, quand Jean Ferrat est décédé, j’ai pleuré comme une Madeleine ».

Elle a des sentiments... Quelle surprise! Les mass médias nous peignent toujours les dirigeants communistes comme des êtres froids, sans âme et bien au-dessus des émotions des midinettes et des ouvriers ordinaires. Mais Marie-France, elle est issue du peuple. Quel bonheur! Elle m’a présenté à tous ses amis de la CGT dont Monique Vatonne, une des responsables ainsi que Pierre Judith. Ils préparaient une activité spéciale en solidarité avec le peuple haïtien. J’ai revu Pierre et Monique quelques jours plus tard, justement lors de l’activité; évènement qui, tout compte fait, a attiré pas mal de monde dans l’édifice de la CGT à Montreuil, périphérie de Paris. En passant, cet édifice ressemble au Complexe Desjardins dans le centre-ville de Montréal. Ça vous donne une idée de l’importance de cette construction. Comme l’a dit Monique, au début de l’évènement : « c’est le fruit des cotisations des adhérents à la CGT ».
(Photo: cortège de la Confédération générale du travail-CGT, lors de la manifestation du Premier mai à Paris, 2010).

Pierre, lui, était très décontracté. On aurait cru que nous nous connaissions depuis des lustres. Tout à fait dans le genre des syndicalistes québécois, dont ceux de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ). Le temps passait, personne n’arrivait. Pierre de dire, philosophiquement : « tu verras, les mecs ils arrivent toujours un peu tard, c’est comme ça. » Il avait raison; la salle s’est remplie assez rapidement tout d’un coup, tout juste avant que ça commence.

Sur place, on pouvait rencontrer une écrivaine antillaise, Suzanne Dracius, qui présentait ses écrits dont L’autre qui danse, un beau roman sur la mentalité des jeunes Noirs, qu’ils soient de Paris ou des départements d’Outre-mer. Parlant de ces pays, notons la présence des camarades de l’Île de la Réunion vivant en France : l’île est située, pour vous donner une idée, dans l’Océan Indien à l’est de l’Afrique, c’est un département français. On y parle français et un créole très élégant. L’élégance, c’était aussi dans le costume que portait entre autres une militante du syndicat, elle-même native de l’Île.
(Photo: militante de la CGT dans ce costume national de l'Île de la Réunion, à l'intérieur de l'édifice de la CGT à Paris).

Comme je l’avais promis à Johan Boyden, secrétaire général de la Ligue de la jeunesse communiste du Canada (LJC), j’ai rencontré Marion Guenot, coordinatrice nationale de l’Union des étudiants communistes de France (UEC); il semble que cela a cliqué puisqu’elle a écrit à la LJC pour approfondir les liens entre les deux organisations. Au grand plaisir de Tim Pelzer de Vancouver, réviseur de La Vie Réelle in English, qui est plutôt « fan » de l’histoire du mouvement communiste français.

Tout ce temps-là, c’est Hervé qui m’a hébergé. Vous ai-je dit qu’il parle couramment le « joual québécois »? Peggy idem. Alors, c’est avec beaucoup d’empressement que j’ai fait les quelques travaux de rénovation qu’ils voulaient entreprendre dans leur appartement. Premier réflexe au retour à Montréal : j’ai téléphoné à mon père vivant dans la région de Québec pour lui expliquer ce travail et comment je l’avais fait –compte tenu que nous n’avions pas tous les outils requis- il m’a dit et - j’espère que tu entends, Hervé!- que l’ouvrage pouvait être certifié « conforme aux standards de qualité canadiens ». Ouf!

J’ajoute que mon père est un ouvrier de construction à la retraite; c’est lui qui m’a appris le métier. J’ai 53 ans aujourd’hui et j’avais 13 ans quand j’ai commencé à travailler à temps partiel avec lui sur les chantiers où je faisais alors du nettoyage et de l’entretien. Mais encore maintenant, les livres m’impressionnent et j’ai acheté au vide-grenier de Malakoff un livre de Jean-Paul Sartre, Situations, VII (problèmes du marxisme, 2), pour mieux comprendre la pensée d’un intellectuel français sur le communisme. J’ai commencé à le lire, mais –et je m’en excuse- je trouve cet ouvrage un peu ennuyeux… Mais je vais le lire en entier!

Pendant ce temps-là, Hervé poursuit son travail de coordinateur de l’édition en langue anglaise de l’Humanité et de l’encyclopédie marxiste Cocowikipédia : "l’œuvre de ta vie", lui ai-je dit en toute vérité. Ce sera quelque chose.

L’an prochain : envolée pour New York.

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