vendredi, juin 25, 2010

MOÉ VLÉ BONHÈ TOUTTE L'UMANITÈ

Je veux le bonheur de toute l’humanité
(traduction du créole d'Haïti)

vol. 10, no, 10, Nouvelle édition, 28 juin 2010, $ 1.00

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À Montréal, il y a un arrondissement qui s’appelle Montréal-Nord; par dérision, les racistes l’appellent « Montréal-Noir » C’est blessant pour toutes ces femmes et ces hommes –des milliers- que la pauvreté et le désir de mieux vivre ont poussé vers le Québec. Heureusement, et la solidarité lors du séisme de l’hiver 2010 à Haïti l’a démontré, les Canadiens-français, surtout ceux des milieux modestes, ont beaucoup de compassion pour eux. Ces Haïtiens sont – toujours avec les formes- discriminés dans le logement et l’emploi. Mais ils nous apportent tant, ne serait-ce qu’un don précieux : celui d’aimer la vie!

Quelle différence avec Cuba, que cette minorité raciste! Quelques mois après le tremblement de terre, l’ambassadeur de Haïti dans la grande île antillaise, Jean-Victor Généus, en se référant à une exposition de peinture populaire Amanece sobre Haiti (Le jour se lève Haïti), de l’artiste cubaine Bertha Dora Lemus, a déclaré : « C’est un hommage à Haïti et au peuple haïtien dans un geste de solidarité très forte […] Il faut aussi rappeler que la peinture est l’âme du peuple haïtien… (Cubarte, 18 juin 2010). Le cœur de notre peuple frère palpite.

Ailleurs dans le monde, il s’indigne, comme le rapporte le quotidien parisien DirectMatin Plus, du 5 mai 2010. La presse a largement rapporté les actions de protestation des travailleurs grecs au printemps : « Brandissant le drapeau rouge, environ 200 militants communistes avaient occupé […] le célèbre site de l’Acropole, déployant une banderole sur laquelle on pouvait lire : ‘Peuples de l’Europe, soulevez-vous’. […] Le chômage devrait augmenter, les budgets et les salaires baisser ». (Photo SolidNet: manifestation en Grèce, centre des communications des partis communistes et ouvriers).
Dans un autre ordre d’idées, d’après les lois canadiennes, il est illégal de « fournir ou récolter par quelque moyen que ce soit des fonds pour quiconque aurait été soupçonné de terrorisme selon la liste 1267 de l’Organisation des Nations Unies (ONU). En réponse, « les dirigeants du Congrès du travail du Canada, du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et la section canadienne de l’Association internationale des machinistes ont annoncé […] que leurs syndicats embauchaient Abdelrazik, violant consciemment la législation canadienne mettant en application le régime 1267 au Canada. Ils payent Abdelrazik pour qu’il travaille à documenter son histoire afin de conscientiser [les Canadiens] ». Celui-ci a été détenu et torturé au Soudan avec l’implication du gouvernement du Canada. La Ligue des Droits et des Libertés du Québec soutient sa cause.

Bienvenue au Québec

À la veille de la Fête nationale du Québec (24 juin, ndlr), on pouvait lire : « Depuis 20 ans, vous faites confiance au Bloc Québécois pour défendre avec vigueur les intérêts du Québec et nous continuerons de travailler afin de réaliser la seule voie d’avenir pour la nation québécoise : la souveraineté. Dans un Québec souverain, nous serons maîtres de notre destinée, nous assurerons l’épanouissement de notre langue et de notre culture, notre poids politique sera de 100% et personne d’autre que nous ne parlera en notre nom dans le monde. » C’était le mot du chef, Gilles Duceppe.
Bien sûr, c’est inquiétant! Pour les citoyens un peu avertis, pour les ouvriers, il y a toujours une certaine frayeur à lire de tels propos. Mais, entre les deux grands partis bourgeois : le Parti conservateur (au pouvoir) et le Parti libéral (opposition officielle), il n’y a pas encore de choix. Pour l’instant, on ne peut voter que pour le parti le moins pire. Le Parti communiste du Canada est cependant en remontée. Il faut qu’il retrouve son influence au sein des organisations de masse.

Chez les jeunes, la flamme est toujours là, comme en témoigne le journal étudiant Montréal Campus du 24 mars 2010; des revendications attendent d’être prises au sérieux par le gouvernement du Québec, par exemple : « la bonification des bourses pour les parents étudiants, le gel des frais d’admission imposés aux étudiants étrangers et la gratuité scolaire […] Et si jamais le mouvement étudiant devait à nouveau se mobiliser, le président de la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec, ndlr), Jean Grégoire, est persuadé que ses membres seraient au rendez-vous. « Je pense que lorsqu’il est question d’endettement et que la situation est bien expliquée, les étudiants sont prêts à se mobiliser. »
Alors que le courant majoritaire au sein de l’Église catholique du Canada est plutôt ouvert et libéral, récemment le Primat de l’Église au Canada, le cardinal Marc Ouellet souhaitait « la reprise du débat sur la criminalisation de l’avortement et a salué la décision du gouvernement de Stephen Harper de ne pas financer, dans le tiers-monde, les programmes de santé où l’on offre l’interruption des grossesses ». La ministre responsable de la Condition féminine au Québec, Christine St-Pierre a réagi vivement : « Pourquoi remettre dans l’actualité un dossier réglé? L’avortement est une question personnelle qui ne regarde que la femme. Tant les femmes que les hommes du Québec n’accepteront pas le retour à la clandestinité de l’avortement. » Voilà en substance ce qu’a rapporté le quotidien Métro en mai 2010.

Québec solidaire

Alors que pour l’ensemble du Canada, les communistes privilégient certaines actions communes avec les socialistes du Nouveau parti démocratique; ne serait-ce que pour casser la glace et juger de ce que l’on a en commun, dans la province francophone du Québec, les communistes ont rejoint le parti Québec solidaire et ébauchent avec lui un programme électoral; en santé, par exemple.
Tout récemment, en tant que membre de ce parti, j’invitais deux amis français, dont une ancienne députée du Parti communiste français au Parlement européen à assister à un café-rencontre public organisé par l’Association de Québec solidaire de la circonscription de Gouin, là où la présidente du parti, Françoise David milite pour être élue députée.
Quelle ne fut pas notre surprise que d’entendre un des invités, Éric Pineault (professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal –UQÀM), affirmer que les travailleurs du Québec devaient apprendre à gérer la décroissance. En clair : se serrer la ceinture pendant la crise. Un peu plus et nous tombions de notre chaise. Non pas que ses propos nous scandalisaient; ne faut-il pas s’attendre à cela de nos distingués professeurs universitaires?, mais bien qu’il les distille tout bonnement devant un auditoire de « gauche » et qu’il soit applaudi…
(Photo: si les Canadiens-français aiment bien revivre l'histoire d'un jour leur passé, ils ne veulent pas revenir en arrière et dans la misère).
Deux semaines plus tard, ce qui faisait vraiment la manchette, c’était que les ouvriers de la construction du Québec accueillaient dans leur équipe de négociation, la FTQ-Construction. En effet, elle se joint à l’alliance syndicale. Ensemble, ils représentent la majorité des plus de 100 000 ouvriers de la construction québécois qui espèrent obtenir une entente avec le patronat le plus tôt possible avant le congé estival annuel. Un des porte-paroles de l’Alliance syndicale a déclaré : « Ce front commun constitue une première dans l’histoire de la construction au Québec ». Un des principaux enjeux, d’après Métro, est le fonds de retraite, très affecté par les pertes à la Caisse de dépôt et placement, - "géré" par le gouvernement du Québec-, dans le tourbillon de la crise financière qui a aussi touché le Québec.

La construction, ce n’est pas qu’un métier, c’est un mode de vie. Ainsi, alors que débutait le long congé estival pour les élèves – j’avais alors 13 ans-, j’ai dit à ma mère que je ne voulais pas prendre part aux activités de loisirs de la municipalité : trop ennuyantes! Mon père, ouvrier et petit entrepreneur, alerté a tranché : tu ne traîneras pas cet été; tu as le choix : ou tu te rends aux activités de la municipalité ou tu viens travailler avec moi. Tu décides maintenant et je n’ai pas de temps à perdre…
(Photo: Donat, ouvrier de la construction et père de Daniel Paquet; fils d'Eugène, peintre-débosseleur d'automobiles et syndicaliste; aussi petit-fils de William Harris, débardeur dans le port de Québec et fier Irlandais).
Par bravade? Par défi? Je lui ai dit que je l’accompagnais. J’ai donc nettoyé des chantiers tout l’été pour $ 20.00 par semaine. Je me suis payé une bicyclette toute neuve et mes parents étaient contents. J’ai travaillé pendant sept ans. Je suis devenu apprenti charpentier-menuisier. J’ai été témoin de grèves et de menaces. On ne rigole pas toujours sur les chantiers au Québec. Il y a beaucoup d’argent en jeu.
Mais ce n’était pas ma « hache » comme m’a dit beaucoup plus tard mon père. Je bavardais trop en travaillant et je retardais les autres ouvriers. Et puis, on m’a élu à la direction de l’Association nationale des étudiants du Québec-ANEQ. Coquetterie masculine : le travail physique, le grand air et les efforts répétés ont développé la force et la charpente musculaire. Bref, après plusieurs années, je n’avais plus l’air d’un gringalet; ça devait plaire aux filles, me suis-je dit.
J’ai aimé le métier, mais surtout j’aime les ouvriers de la construction. Ils sont simples et sans détours. Ainsi tout récemment lors d’une manifestation à Montréal, j’ai croisé un groupe d’ouvriers membres d’un grand syndicat. J’ai voulu « faire mon comique » comme dirait mon père et je leur ai raconté une blague qui laissait croire que les gens du métier étaient des ignares en matière religieuse, voire des mécréants. Ils n’ont pas ri. Un d’entre eux m’a regardé bien fixement et m’a dit : attention, on est tous des croyants ici!
J’imagine que ça prendra tout un professeur d’université pour les gagner à l’idée qu’ils doivent « gérer la décroissance »! Car eux, ils mettent encore au monde des enfants, qu’ils aiment par-dessus tout, même si le travail d’ouvrier de la construction n’est pas la « hache » de leur progéniture.
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