vendredi, juin 04, 2010

LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CANADA

vol. 10, no. 7, Nouvelle édition, 7 juin 2010, $ 1.00

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Petit récit de science-fiction à l'intention des sceptiques et des résignés

Nous sommes dans le domaine de la culture et de la création littéraire. Voici donc un court récit de ce qui pourrait se produire au Québec ou au Canada en général, si… Après des années de conservatisme et de recul sur les droits acquis et les programmes sociaux, la population du Canada a décidé de porter au pouvoir le Parti communiste. Un certain soir, à Montréal, la Société Radio-Canada annonça que si la tendance se maintenait dans le dépouillement des bulletins de vote, le Parti communiste formerait le prochain parti de gouvernement. Le Comité central réuni à Montréal, discuta de la situation nouvelle, mais prévisible dès le début de la campagne électorale.
L’aile fédérale du parti Québec solidaire, regroupant les forces de gauche en général et agissant conjointement avec les communistes salua la victoire. Celle-ci reposait d’abord sur l’engagement de la classe ouvrière unie au parti Québec solidaire plongeant ses racines au sein de la jeunesse petite bourgeoise et intellectuelle des villes, -comprendre en premier lieu Montréal-, laissée pour compte par un capitalisme en pleine débandade qui n’avait pas de place pour elle. La gauche s’adressa rapidement aux éléments patriotiques des autres formations politiques : des partis libéral (bourgeois), du bloc québécois (nationaliste), du nouveau parti démocratique (social-démocrate), et même des cercles démocratiques du parti conservateur (bourgeois pro-USA). Le but : former un large gouvernement de coalition; le cabinet ministériel en tiendrait compte. L’idée : imposer le contrôle du gouvernement central sur les grandes corporations, les banques et les sociétés multinationales, surtout téléguidées des États-Unis.
(Photo Michel Faust: discussion entre le député du parti Québec solidaire à l'Assemblée nationale, Amir Khadir-au milieu- et Daniel Paquet, sous le regard de Catherine Deschamps, porte-parole de la Maison l'Échelon, ressource en santé mentale à Montréal; mai 2010).

Pendant la nuit, les dirigeants du Parti communiste –majoritaire- ont rencontré les officiers supérieurs de l’État-major des Forces canadiennes. Ceux-ci se rangeaient derrière le nouveau gouvernement. À sa demande, les troupes furent mises en état d’alerte et… le 22ème régiment royal composé principalement de soldats canadiens-français, se mit en branle vers la métropole, Montréal. Le mouvement de troupe se poursuivit toute la nuit, avec le transport des blindés sur de lourds fardiers par l’autoroute 20 entre Québec et Montréal. Les soldats avaient déjà quitté leur base via des vols spéciaux; si bien qu’aux petites heures, les militaires occupaient les lieux stratégiques du poumon industriel et économique du Québec : ports de Montréal et de Québec, aéroports Pierre-Elliott-Trudeau et Jean-Lesage, le quartier des affaires au centre-ville, le secteur des sociétés de communications (radio, télévision…) et les postes frontaliers avec les États-Unis. Bref, rien ne fut laissé au hasard.
Vers 5h00 du matin, les directeurs des chaînes et des moyens de communications de masse, communautaires et ethniques en particulier, furent réunis dans un grand amphithéâtre dans la tour de la Société Radio-Canada. Le porte-parole de la direction communiste y lut le premier communiqué d’importance du gouvernement coalisé : assise principale de la politique du pouvoir – la paix, message en direction des citoyens des États-Unis-. De plus, le gouvernement décrétait immédiatement le relèvement des salaires, à commencer par le salaire minimum; les vacances payées s’étendraient au moins sur cinq semaines pendant l’été et le contrôle des prix était désormais en vigueur afin de juguler l’inflation et préserver le pouvoir d’achat des familles ouvrières notamment. Cette annonce se termina sur la musique de van Beethoven, « Figlio Perduto », le temps que chacune des stations radio, télé, en anglais, en français, dans la langue des Inuit ainsi que des communautés immigrantes puissent reprendre l’antenne; qu’elle soit, enfin, publique ou privée.
(Photo: siège de la Société Radio-Canada/Canadian Broadcasting Corporation à Montréal, dans le quartier des télécommunications).

Cette prise du pouvoir par les communistes au Canada surprit beaucoup à l’étranger, en France pour ne nommer que ce pays. En effet, en 1990, un philosophe communiste français, Lucien Sève, avait fait paraître un livre Communisme, quel second souffle? (Éditions sociales, Paris) où il écrivait en relation avec l’effort de déraciner le courant révolutionnaire ici et là : « Mais à des degrés et sous des formes variables, il l’est un peu partout dans le monde, et en particulier dans toutes les grandes nations capitalistes développées sans exception. Il l’est aux USA, au Canada, en Grande-Bretagne, en RFA (Allemagne, ndlr), où les partis communistes, malgré leurs mérites, ont le plus grand mal à décoller. » (pp.10-11).
C’était ignorer ce qu’a décrit D. Zatouski, dans L’art du roman et le XXe siècle, paru dans Recherches Internationales (Paris, no. 87), à savoir, eu égard à la société occidentale : « Apparemment, l’ordre y règne, il est ‘prospère’, remplie d’une multitude de choses utiles : automobiles avions de ligne, autoroutes en béton, grands magasins à plusieurs étages, réfrigérateurs, téléviseurs, ascenseurs. Tout est pratique et beau, adapté, ajusté, fonctionne impeccablement. Mais l’homme doit y vivre dans la solitude et l’absence de confort. Il éprouve constamment la peur. Sous un sourire standard, optimiste, se cache la grimace nerveuse du raté. » (p. 168).
Pour les gens qui craignaient l’instauration du socialisme, le Parti communiste souligna encore une fois que « la propriété privée de biens personnels, y compris le droit de posséder une maison, un chalet, des économies, un fonds de pension et des polices d’assurances, sera garantie. Le peuple décidera, à la lumière des circonstances, de toute compensation à verser aux grands capitalistes pour les propriétés qui leur auront été expropriées. »
Pour les sceptiques, dubitatifs sur les sources de financement nécessaires pour réaliser toutes ces réformes, le parti a répété : « En supprimant le lourd tribut extorqué par la classe des capitalistes sous la forme de profits, de loyers, d’intérêts et de spéculations parasitaires, et en éliminant le terrible gaspillage qu’entraînent la production militaire et les guerres (dont celle en Afghanistan, ndlr), les crises économiques, la surproduction, l’obsolescence planifiée de marchandises vendues aux consommateurs, le chômage, la rivalité acharnée, la publicité compétitive, entre autres; l’État socialiste mettra à la disposition de la société d’immenses ressources actuellement gaspillées. » (Programme du Parti communiste du Canada et du Parti communiste du Québec, Toronto, 2001, pp. 98 et 99).
La principale inquiétude reposait sur la possible absence de liberté. Le porte-parole du Parti communiste rappela alors ce qu’ont toujours dit les marxistes : « plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre. La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles; ainsi, elle est nécessairement un produit du développement historique. » (Friedrich Engels, Anti-Dühring, Éditions sociales, Paris, 1950, pp. 146-147). Et ça n’exclut pas d’avoir son petit commerce!
(Photo: réplique d'une classe de niveau élémentaire au début du XXème siècle au Québec. L'Église catholique contrôlait le secteur de l'éducation. Elle imposait une discipline implacable et autoritaire. Il y avait bien peu de libertés... Elle a changé depuis).

Il avait fallut travailler inlassablement au cœur des Forces canadiennes pour qu’elles se rangent derrière le nouveau pouvoir. De nombreux exemples abondaient à l’échelle internationale sur le patriotisme des soldats : au Portugal dans les années 1970 avec la révolution des capitaines, de jeunes officiers brillants appuyant le peuple pour instaurer la démocratie; le soutien des soldats russes à la cause des communistes lors de la révolution d’Octobre 1917; l’appui à Hugo Chavez au Venezuela…
Ce qui avait été le plus décisif dans la prise de position des soldats reposait sur le fait que durant leur séjour au pouvoir, les chefs conservateurs s’en remettaient directement et constamment au gouvernement des États-Unis; c’était là où reposait le véritable lieu de décisions. Les soldats canadiens étaient d’accord pour s’entraîner avec les soldats états-uniens, mais pas prêts à partager le même lit…
En 2010, on ne pouvait se fonder que sur les déclarations du président des USA, Barack Obama. Il avait écrit : « Le rejet de l’absolutisme, implicite dans notre constitution peut parfois donner l’impression que nos politiques ne reposent pas sur des principes. Mais la plupart du temps, dans notre histoire, il a encouragé le processus même de la cueillette d’information, d’analyse et d’argumentation qui nous permet de meilleurs, quoiqu’imparfaits, choix, non seulement des moyens pour réaliser nos buts, mais également de nos buts eux-mêmes. » (The Audacity of Hope, Vintage Books, New York, 2006, p. 113).

Finalement, ici s’arrête ce petit récit. Le mot de la fin, après les citoyens canadiens, revient au peuple des États-Unis : accepteront-ils que leurs voisins du Nord empruntent une voie différente ou mieux encore; voudront-ils, dans leur majorité, imiter ces habitants qui ne cesseront jamais de les étonner…
Ce jour-là, les exploiteurs de tous crins, n’auront plus grand place pour se réfugier !
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