mercredi, mars 31, 2010

LES CROYANTS DANS UN CANADA SOCIALISTE

vol. 10, no. 14, 5 avril 2010, LUNDI DE PÂQUES, $ 1.00

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Statistiques Canada révélaient il y a quelques années que 10 millions de Canadiens se définissaient comme catholiques; la population du pays est de 33 millions d’habitants. La majorité des catholiques sont concentrés au Québec qui a, lui, une population de 7,6 millions d’habitants. Bien sûr, comme le disent les pratiquants, on ne voit plus que des « têtes grises » lors des offices religieux, souvent le prêtre est une personne consacrée provenant d’un autre pays, y compris parfois d’un pays en voie de développement; il a souvent plus d’une paroisse à desservir, ce qui révèle que les vocations se font rares.

Les marguilliers et les personnes préposées au développement de leur paroisse, mise à part l’évangélisation, constatent qu’il est de plus en plus difficile d’entretenir physiquement le patrimoine religieux, à commencer par les lieux de culte. Ce qui pèse lourd dans le panier des soucis des diocèses; sans compter les scandales à connotation sexuelle (les cas de pédophilie) et le rejet de la pratique religieuse par la jeunesse.
(Photo: ancienne école catholique, transformée en centre communautaire à Montréal).
Pourtant, l’Église catholique romaine du Canada encourage des mouvements sociaux, issus du sérail, comme Développement et Paix aidant les populations des pays en voie de développement. La Jeunesse ouvrière catholique (JOC), encadrant les adolescents et les jeunes dans des activités d’apprentissage et de découverte des réalités contemporaines - comme le monde du travail- joue un rôle tout aussi méritoire au Québec.

Mais la religion que bon nombre ont rejetée n’est pas tombée dans l’oubli chez la majorité des travailleurs canadiens-français. Ils sont prudents et rusés : si, après tout, il y avait une vie après la mort et que Dieu existe vraiment; que se passerait-il sans les sacrements? Aussi, plusieurs se marient toujours à l’Église, -journée grandiose pour la mariée qui est la plus belle de toutes-, font baptiser leurs rejetons et assistent à leur confirmation. On ne sait jamais après tout… Les travailleurs demeurent profondément croyants, mais réservés et attachés à la liberté d'assister ou pas à la messe, entre autres.

La foi, cette espérance en un Dieu sauveur, apporte énormément à la conscience de comment l’on conçoit le monde. Question d’un croyant : comment les savants ou les athées peuvent-ils affirmer que Dieu n’a pas créé l'univers? N’y a-t-il pas un monde de sérénité, de paix et de bonheur au ciel après toutes les misères que l’on doit endurer sur terre? Sur qui peut-on compter lors d’épreuves, avoueront même certains sceptiques?
Un peu d’histoire
Le philosophe grec Platon (427-347 av. J.-C.), qui a colligé les discours de Socrate dans son œuvre La République, n’a-t-il pas poursuivi dans la voie de son maître par ces mots : « Ne savez-vous pas […] que notre âme est immortelle et ne périt jamais? » (Penguin Classics, Toronto, 1987, p. 378). Ce qui ne signifiait pas pour autant qu’il devait y avoir un métissage de l’État avec l’Église. Nous sommes dans l’Antiquité où les cités grecques sont « protégées » par une pléiade de dieux. Aristote (384-322 av. J.-C.) pour sa part, dans La Politique, et succédant à Platon dit à ce propos : « Un État est l’association de personnes semblables dont le but est la vie la meilleure possible. Le mieux est le bonheur, et être heureux c’est la réalisation de la vertu et de la jouissance la plus adéquate possible. » (Penguin Classics, Toronto, 1992, p. 413).
(Photo SolidNet: manifestation en Grèce pour souligner le 8 mars, Journée internationale des femmes).

Karl Marx, abordant la question de la séparation de l’Église d’avec l’État, déclara : « Cette séparation de la religion de ces dogmes et institutions équivaut à l’affirmation que l’esprit général de la loi doit prévaloir dans l’État sans considération des lois particulières et des institutions légales positives. » (Collected Works, Volume 1, International Publishers, New York, 1976, p. 200). Illustrons cette approche par une sortie récente du Centre justice et foi, prononcée peu avant les Jeux Olympiques de Vancouver précisant que les évêques catholiques de la Colombie-Britannique et du Yukon : « […] rappellent aussi que le Concile Vatican II considérait comme une infamie ‘tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de profit’ », (Prions en Église, Ottawa, février 2010, p. 188).
(Photo: église catholique à Montréal, paroisse St-Enfant-Jésus).

Les communistes se rangent derrière cette prise de position. Dans la foulée, Lénine a établi de plus que « nous pouvons avoir du monde une vision correspondant véritablement au sciences de la nature et au matérialisme. Précisons : 1. Le monde physique existe indépendamment de la conscience humaine et exista bien avant l’homme, bien avant toute ‘expérience des hommes’; 2. Le psychique, la conscience, etc., est le produit supérieur de la matière (c’est-à-dire du physique), une fonction de cette parcelle particulièrement complexe de la matière qui porte le nom de cerveau humain. » (Œuvres, tome 14, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, p. 236).
Lénine dira plus loin : « Dieu est sans contredit le dérivé de l’expérience socialement organisée des êtres vivants ». (Œuvres, p. 238). Cependant comme en témoigne l’ouvrage collectif Lénine, La philosophie et la culture : « il assurait les croyants du respect de leurs convictions, acceptait l’adhésion de religieux au Parti et avançait la thèse de la subordination de la lutte pour l’athéisme aux exigences de la lutte des classes. » (Éditions sociales, Paris, 1971, p. 120).
Avant lui, Jean-Jacques Rousseau, dans son écrit Du contrat social témoignait du fait que : « Le Christianisme est une religion toute spirituelle, occupée uniquement des choses du Ciel; la patrie du Chrétien n’est pas de ce monde ». (Librairie Larousse, Paris, -1762-, p. 110). Diderot, l’Encyclopédiste français a rédigé un court texte, La morale de l’athée, où il invite le lecteur à comparer le discours d’une dévote à celui du philosophe Crudeli -qui n’est autre que lui-même-. La Maréchale. À la bonne heure; mais quel inconvénient y aurait-il à avoir une raison de plus, la religion, pour faire le bien, et une raison de moins, l’incrédulité, pour mal faire? Crudeli. Aucun; si la religion était un motif de faire le bien, et l’incrédulité un motif de faire le mal. » (L’œuvre de Diderot, Extraits, Librairie Hachette, 1953, p.101). Voltaire dans sa Prière à Dieu n’a pas été en reste : « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible! (Œuvres philosophiques, Extraits, Classiques Larousse, Paris, p. pp. 76-77).

L’éveil du monde arabo-musulman

On parle beaucoup de l’Iran ces jours-ci. On entend le point de vue des États-Unis et de leur allié Israël au Moyen-Orient. Ils font campagne pour que le monde entier adopte des sanctions pénalisant le régime en place -le nucléaire oblige!- soit le gouvernement islamiste qui a confisqué la révolution du peuple persan contre la dictature sanguinaire du shah, en 1979. Malheureusement, le peuple iranien n’est pas encore au bout de ses peines. Ainsi Tudeh News, le Bulletin international du Parti Tudeh d’Iran (communiste), de février-mars 2010, publié à Londres, ne mâche pas ses mots pour dénoncer virulemment la ségrégation fondée sur le sexe, des garçons et des filles, tant les étudiants et que les élèves en Iran, projetée par le pouvoir en place. Comme le dit le bulletin : « Les militantes féminines croient fermement que la ségrégation sexuelle dans les universités sera certainement défaite. Le but de plan est de faire pression sur les étudiants et de bloquer la présence active de la jeunesse, et particulièrement des étudiantes universitaires, sur la scène sociale ». Ce n’est qu’un des aspects du régime fondamentaliste et rétrograde du gouvernement d’Ahmadinejad; pourtant la démocratie ne jaillira pas des pressions des États-Unis; elle viendra du peuple et le peuple a une grande et longue tradition de luttes populaires; il est capable de résoudre ses problèmes sans passer par les puissances étrangères qui n’ont, après tout, que le pétrole iranien dans la ligne de mire.

Confrontés aux prétentions et à la volonté d’hégémonie dans la région, certaines couches de la population du Moyen-Orient se sont réfugiées, entre autres, dans la religion. Ils campent dans un intégrisme religieux et les musulmans qui immigrent pour trouver un havre de paix et une vie meilleure importent souvent avec eux le pire de leurs coutumes nationales; ce qui a de quoi faire sursauter les habitants des pays d’accueil. C’est cela qui se passe au Québec maintenant. Jean-Jacques Rousseau, pour revenir à sa pensée, ajoutait dans Le Contrat social (p. 111) : « Pour que la société fût paisible et que l’harmonie se maintînt, il faudrait que tous les Citoyens sans exception fussent également bons chrétiens. » Ici, on ne peut souscrire à son jugement.
À cet effet, la chargée de cours en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Mariam Hassaoui, souligne dans le quotidien La Presse du jeudi 25 mars que « les femmes musulmanes qui portent le foulard constituent 10% des femmes de culture musulmane québécoise, qui elles-mêmes représentent 2% des femmes au Québec ». Il faut ajouter que le monde arabo-musulman est, -l’existence de communistes en Iran ou en exil le prouve-, traversé par des courants politiques et sociaux. Au Canada, la population d'accueil est assez sensibilisée aux prébendes des seigneurs de la guerre en Afghanistan, maintenant les populations dans un régime féodal et asservissant la femme. Il y a eu des allégations de fraude et de corruption à l’égard du gouvernement Karzaï, en ce qui concerne le détournement possible de l’aide internationale. Ceux et celles qui l’ont dénoncé ont été menacés de mort par des milieux obscurantistes qui désirent le statu quo, y compris la présence militaire étrangère, dont le contingent canadien. Ça justifie leur survie et renforce leur mainmise au sein des clans tribaux.
(Photo L'Humanité: villageois en Afghanistan).

L'immigration mal vécue, l'arrivée mal comprise

Étant immigrées au Canada, les femmes musulmanes désirent protéger leur identité nationale par le port du voile ou des vêtements moins discrets; ce qui donne lieu à une incompréhension mal dissimulée chez les Canadiens-français. On monte en épingle les cas les plus spectaculaires, comme cette jeune femme expulsée d’un cours de francisation parce qu’elle portait un voile dissimulant son visage, sauf les yeux. Afin de ne pas être taxé d’inertie par des citoyens chauffés à blanc par certains médias, une certaine presse jaune, le gouvernement du Québec a présenté un projet de loi établissant les grands principes qui guideront le Québec : « l’égalité entre les hommes et les femmes et la neutralité religieuse de l’État. Toute demande d’accommodement sera subordonnée à ces deux principes », dixit La Presse. Enfin, le projet de loi exige que tous « doivent avoir le visage découvert », bénéficiaires des services de l’État et fonctionnaires, y compris le corps policier.

À ce sujet, on peut mentionner que dans les années Reagan aux États-Unis, le mouvement pour la paix dans la province de Colombie-Britannique avait organisé une grande manifestation à laquelle s’était jointe une cohorte de policiers de Vancouver portant un macaron assez surprenant: « Cops for Peace » - Les policiers pour la paix-. Aussi, ce n’est pas sans étonnement que La Vie Réelle a pu lire dans La Presse du jeudi 25 mars que la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et le Syndicat de la fonction publique étaient contre les signes ostentatoires religieux, comme la croix ou la kippa (la calotte juive), et réitéraient que les employés de l’État « ne peuvent, au nom d’une obligation de réserve, afficher leur allégeance politique ». Évidemment, la permission de porter des signes religieux ouvre la porte au port de signes politiques, mais n’est-ce pas sain dans une société libre et démocratique? Comment le lecteur interprétera-t-il les salutations de cet opérateur de métro de Montréal, lors de la grande manifestation du 20 mars 2010 à Montréal, dirigées vers les participants, quittant la station, avec son encouragement. Visiblement, il était enthousiaste; probablement que son supérieur n’a pas apprécié. Mais n’est-ce pas cela la lutte pour faire avancer le droit d’expression et de liberté de parole?
La Vie Réelle se félicite de l’ouverture du gouvernement Charest. Quand la poussière se sera déposée, le dialogue sera possible parmi les croyants. Il sera tout aussi fécond entre croyants et athées.
Ainsi, l’Église catholique a établi les balises et les normes de vie pour la société canadienne-française de la conquête de 1760 jusqu’à la révolution tranquille dans les années 1960. Aujourd’hui, après quelques années de laxisme, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) « veut inculquer à ses élèves des valeurs de solidarité, d’entraide et d’engagement », afin d’en faire des citoyens responsables.
Anecdote avant de conclure : nous sommes en 1996, dans le métro de Montréal, une étudiante musulmane portant le voile retourne chez elle après le cours de français qui se termine assez tard le soir. Elle est assise devant l’auteur de ces lignes, pas du tout croyant. Elle fouille dans son sac à dos, le signe très visible des jeunes, et en sort son souper. Voyant ma curiosité, elle m’offre une galette de pain genre pita avec une garniture abondante. On goûte; mais c’est très bon. Nous avons bavardé un peu. On n’a pas cherché à savoir ce qui nous séparait, mais il y avait cette faim qui nous tenaillait, nous unissait, nous fit pouffer de rire et bien rigoler. Elle aussi c’est une Québécoise. (Photo: cathédrale Marie-Reine-du-Monde, au centre-ville de Montréal; sanctuaire très visité, notamment par de nombreux touristes).
Cet article a commencé par un retour en arrière sur Platon. Laissons donc aux Grecs anciens le soin de le terminer. Il s’agit d’une référence à Antigone de Sophocle (Dover Publications, New York, 1993, p. 3). À l’époque les femmes occidentales n’en « ramaient pas large ». Écoutons Ismène : « We must remember we are women born, Unapt to cope with men; and, being ruled by mightier than ourselves...” (Nous devons nous rappeler que nous sommes nées femmes, inhabiles à rivaliser avec les hommes; somme toute dirigées par plus puissants que nous...)

Donnons donc un peu de temps aux Musulmanes voilées!
-30-

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Votre dernière photo est celle de la façade de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde. Il serait bien de prendre soin d'identifier ce que vous imagez; question de mieux sensibiliser les gens à votre propos de manière à ce qu'ils sachent réellement de quoi vous parlez.
D'autre part, peut-être serait-il bon pour vos lecteurs d'être informés du fait que plusieurs mouvements et conférences s'organisent afin d'assurer la survie des lieux de culte excédentaires en les transformant en des lieux communautaires ou encore, culturels. Et là, nous ne parlons pas des lieux partageant leurs espaces avec des traditions différentes de la leur et ce, afin d'assurer la survie monétaire de ces témoins de notre patrimoine.

11:46 a.m.  

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