mercredi, mars 24, 2010

75 000: LE COMPTE EST BON

vol. 10, no. 13, 29 mars 2010, $ 1.00



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Quiconque a visité ou vit à Montréal, sait qu’en mars la température n’est guère certaine dans la métropole des Canadiens-français du Québec. Bon, voilà il fait doux, et puis les vents froids se lèvent et s’engouffrent dans le centre-ville où s’agglutinent les gratte-ciels et les hôtels de luxe. La pluie peut être encore glaciale.

(Photo: regroupement des syndiqués avant la manifestation de mars 2010)
Mais des bouches de métro : Peel ou Bonaventure, accompagnés des arrivants des régions, les manifestants –de bonne humeur-, s’approchaient du Parc du Canada. Ce fut le point de départ d’une des plus grandes manifestations que le Québec ait connu depuis des lustres. Ça fait tout de même pas mal de monde « à la messe » comme on dit ici : plus de 75 000 syndiqués qui en ont gros sur le cœur. L’équivalent à Paris aurait été, compte tenu de la taille de la population, de 750 000 personnes.

Ensemble pour les services publics

Le bulletin syndical Webdo Info (publié par la Confédération des syndicats nationaux, ndlr) n’a pas été avare d’information sur le conflit en cours. Il nous apprend que depuis octobre 2009, les 475 000 employés de l’État, notamment des secteurs de la santé et de l’éducation ont amorcé leur négociation avec le gouvernement du Québec. C’est un moment important. Comme ils l’affirment : « il y aura en effet quatre ans, le 15 décembre (2005, ndlr), le gouvernement Charest imposait, par loi spéciale et sans raison légitime, deux années de gels de salaires, de faibles augmentations pour les autres années ainsi que de nombreux reculs dans les conventions collectives. Elles viendront à échéance le 31 mars 2010 ». Tout est dit… En pratique, ce fut un gel des salaires déguisé.

En février 2010, les économistes du mouvement financier Desjardins prévoyait « pour les cinq prochaines années, au final, la perte de leur pouvoir d’achat […] entre 3,5% et 5%. »
D’ailleurs un comité consultatif, désigné par le gouvernement, n’y est pas allé de main morte pour réviser la fiscalité eu égard à la participation des travailleurs. « Parmi les mesures proposées : 1,5 cent le kilowatt-heure, une contribution santé de 25$ par visite, la hausse des frais de garde de 7 $ à 10 $ et celle des droits de scolarité pour rejoindre la moyenne canadienne de 1668 $ à 5350 $. »

Bien sûr, les cyniques diront que l’on ne peut s’attendre à mieux de la part des Libéraux au pouvoir, mais dans le cas des droits de scolarité, même l’ancien Premier ministre et chef du Parti québécois (nationaliste), Lucien Bouchard, a appuyé ce projet. Pour la Confédération des syndicats nationaux (CSN), ces « droits de scolarité […] imposeraient un modèle nord-américain très éloigné des valeurs d’équité de notre société. » Les étudiants de niveau postsecondaire partagent ce point de vue.

(Photo: arrivée des manifestants près des bureaux du Premier ministre du Québec à Montréal)
Mais le gouvernement libéral du Québec ne fait pas cavalier seul, puisque le gouvernement conservateur, et minoritaire, du Canada a présenté un budget en mars 2010 qui ne rassure pas. « Ce budget marque l’obsession du gouvernement à retrouver l‘équilibre budgétaire à coups de compressions colossales dès l’année prochaine. Il persiste et signe dans sa volonté de réduire les impôts des particuliers et des sociétés, y compris ceux des pétrolières et des financières. »
Notons que la part réservée au volet militaire est largement en hausse, Afghanistan oblige!

L’avenir du Québec et du Canada anglais

Si le lecteur ignore tout de la vie politique au Canada, ou encore que ce ne soit pas « sa tasse de thé », il sera peut-être perplexe. En effet, que font les Québécois, par exemple, pour s’extirper d’une pareille catastrophe économique et sociale; à part leurs luttes syndicales, bien entendu. Dans le cas de la CSN, elle appuie ponctuellement le parti Bloc québécois, nationaliste et centriste. Incidemment, lors des élections fédérales, c’est généralement ce parti qui l’emporte au Québec, au nom de la défense des « intérêts québécois ».

Mais la plaque d’argile commence à glisser sur le roc. En émerge le Parti communiste du Canada (PCC). Derrière sa bannière dénonçant l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale qui ont influencé les décisions des divers gouvernements au Canada, ses militants ont vendu et distribué son journal en langue française, Clarté; c’est un retour, le journal a été requinqué et séduit davantage. À preuve : les ventes militantes ont rapporté plus de 200.00 $ lors de la manifestation des employés de l’État, et des dizaines d’exemplaires ont circulé parmi les manifestants.
(Photo: les communistes québécois dénonçant le véritable Axe du mal).

Le Comité central du PCC attache une grande importance aux luttes des travailleurs québécois. Le PCC a tenu son dernier congrès en février 2010 qui se traduit par une énergie nouvelle. Un nouvel organisateur, qui met les bouchées doubles pour apprendre le français – et agit aussi comme secrétaire général de la Ligue de la jeunesse communiste (LJC), Johan Boyden, - a impulsé un mouvement très dynamique à Montréal. D’anciens membres qui avaient quitté ou s’étaient éloignés lors de la crise du mouvement communiste international ont été rejoints. Désormais, le Comité central veut rebâtir l’organisation.

Il faut dire que le Québec, c’est la patrie des canadiens-français. La population est de 7,6 millions d’habitants, ce qui en fait la deuxième province du Canada par ordre d’importance, après sa voisine, l’Ontario –anglophone-. Le Québec est particulièrement développé en aéronautique et dans les communications; 40% de sa main-d’œuvre est syndiquée. La CSN, que nous avons cité, a 300 000 adhérents; sa partenaire dans l’organisation de la manifestation et associée dans la négociation avec le gouvernement du Québec s’appelle la Fédération des travailleuses et des travailleurs du Québec (FTQ) regroupe, elle, 500 000 membres. Les communistes, avant la crise des années 1980-1990, étaient très actifs dans le mouvement syndical québécois; idem, pour ce qui est du mouvement ouvrier à travers le Canada.

Au Québec, la langue nationale –et il ne faut vraiment pas passer cela sous silence- c’est le français; peut-être un peu rocailleux, mais ne vous y trompez pas, c’est en français que ça se passe au Québec. Les communistes qui avaient d’ailleurs souligné la Fête du Québec dans leur presse anglophone en 2009 (cf. People’s Voice) ne manqueront sûrement pas de récidiver en 2010. La langue n’est pas qu’un mode de communications, c’est une façon de vivre. La culture québécoise (cinéma, théâtre, chanson, arts de la scène en général –on connaît le Cirque du Soleil-, est très riche et très variée. Ce n’est pas sans raison que les travailleurs canadiens-français sont fiers de ce qui se fait « ici », d’où la popularité de la chanteuse Céline Dion.

On comprendra l’intérêt entre autres de faire venir des documents et publications de France pour alimenter la curiosité des ouvriers canadiens-français. De là toute la sympathie de La Vie Réelle pour le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), animé notamment par le philosophe communiste français Georges Gastaud, dont l’ouvrage Sagesse de la Révolution a été distribué –modestement, certes- mais réellement distribué au Québec. Bien sûr, les communistes québécois respectent profondément les militants et les travailleurs associés au Parti communiste français. En Amérique du Nord, on présume qu’éventuellement l’unité reviendra dans la grande famille communiste internationale et que la discussion sera possible –puisque souhaitable et nécessaire- sur l’héritage légué par la révolution d’Octobre, le triomphe de la révolution cubaine; bref, sur tous ces difficiles questions qui sont tues et nuisent à la conversation libre et démocratique.

Cap sur le Premier Mai!
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