jeudi, janvier 14, 2010

STALINE A TOUT DE MÊME VÉCU

vol. 10, no. 3, 18 janvier 2010, $ 1.00

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Au risque de me faire des ennemis ou d’étonner mes amis, je m’avance sur le terrain glissant de l’étude de la période soviétique où Joseph Staline fut au pouvoir. J’en parlais justement avec un ami communiste chilien alors que nous mangions dans un restaurant de l’est de Montréal, dans un quartier populaire où la richesse a peine à se rendre. Détail d’importance : mon ami Octavio est psychologue. Aussi, prudemment, je me suis lancé dans un monologue, une méditation, voire une réflexion à voix haute : « Tu sais, ce que je connais de l’époque, ce sont mes lectures, en 1975, de Soljenitsyne, Une journée d’Yvan Denissovitch et l’Archipel du Goulag dont je n’ai pu terminer la lecture; tellement l’acharnement contre les communistes m’a soulevé le cœur. »
Je ne connaissais rien, moi-même, des communistes. Je n’ai pas été surpris d’apprendre plus tard que l’auteur russe en question était en faveur du régime des Tsars : la dictature de l’aristocratie et de la richissime bourgeoisie russe.


Une amie a lu le premier jet de cet article et a vivement réagi en croyant que je soutenais les crimes de Staline ou que j’hésitais à dénoncer la période difficile et toujours assez obscure où il fut au pouvoir; perplexe de surcroît, car elle sait que la violence gratuite n’est pas le genre de la maison. Pour ne pas être en reste, une discussion amicale et franche s’imposait avec un autre ami, un psychiatre montréalais. Sa conclusion : rien n’interdit d’aborder l’ère stalinienne. Un journaliste a le droit de jeter un regard rétrospectif sur toutes ces années; d’ailleurs sur tout en général. Mais il faut faire attention, car la présentation ne doit pas prêter flanc à une critique pouvant être qualifiée de révisionnisme. On ne peut mentir avec l’Histoire. Ce médecin a fait allusion à la Shoah dont la négation serait même illégale, sinon illégitime.
(Photo SolidNet: manifestation des communistes russes en 2009)

Il a résumé simplement : chercher la vérité est une réaction normale et donner une appréciation juste du passé… incontournable, même si elle peut blesser l’auditoire comme une cicatrice mal refermée. Voilà un devoir de conscience; tout comme l’est de donner l’heure juste ou encore de faire un bilan le plus exact possible des faits que l’on ne peut de toute façon maquiller sempiternellement.

Pour sa part, le psychologue britannique, Reuben Osborn, a déjà écrit : « Leur absence de finesse psychologique ne préparèrent pas les marxistes aux conséquences du régime stalinien. Ils étaient hypnotisés par le concept de la détermination sociale du dirigeant, celui-ci reflétant des forces sociales objectives. Ils ne voyaient les individus que du point de vue de la classe et du conditionnement social. Ils ignoraient donc les subtilités et les variations de la psychologie humaine. » (Marxisme et psychanalyse, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1965, pp. 175-176).

L’article en question, le passage de Joseph Staline

Sous le gouvernement soviétique, après 1914-15 et jusqu’à 1950-1951, le nombre d’étudiants s’est multiplié par 11; en pourcentage, pour la même période, le nombre de ceux-ci pour les écoles élémentaires, les écoles secondaires et pour la jeunesse rurale –notamment- s’est accru de 440,1%. Les plans sur cinq ans dans l’économie de l’URSS ont toujours été favorables au système socialiste; ce qui a fait dire au banquier britannique, Jerry Gibson, qui n’a jamais été un partisan de ce système, que le bilan penchait du côté des politiques de Staline. À l’époque dans les années 1930, le Canada vivait la grande crise; rappelons que le Parti communiste du Canada, fondé en 1921, poursuivait sans relâche son activité pour organiser les travailleurs et la jeunesse, en particulier. Les grandes familles d’affaires dressaient embûche sur embûche pour circonscrire son influence, allant même jusqu’à le rendre illégal. À ce moment-là, on fermait le dernier bureau de chômage en URSS.

Certes, le pouvoir soviétique a agi violemment. L’actuel secrétaire général du parti communiste de la Fédération russe, Guennadi Ziouganov, le reconnaît. D’après les Archives du pays, sur trois décennies, quatre millions de personnes ont été réprimées, dont 800 000 tuées. Mais quand la « démocratie » a été restaurée dans les années 1990, la population a chuté de 15 millions, un niveau rejoignant les pertes de vies humaines durant la deuxième guerre mondiale. Quant aux personnes tuées sous la direction de Staline, il n’y a pas de preuves réelles que cela soit dû au système socialiste lui-même, soit à une perversion criminelle du régime; mais bien plutôt à des méthodes expéditives dans un climat hostile à l’URSS. Nous reviendrons là-dessus.

Presque tout le monde a entendu parler de la volonté des communistes de mettre en place une « dictature »; dans leur programme, ils précisent : « la dictature du prolétariat ». Ça n’invoque rien pour vous? Eh oui, la République romaine dans l’Antiquité. Les Romains lorsqu’ils devaient se défendre militairement, nommaient parmi eux un « dictateur », un chef guerrier; il s’agissait du plus habile dans le maniement du glaive, choisi pour diriger le peuple jusqu’à la fin des combats. La paix retrouvée, on fondait l’acier des armes pour les transformer en outils aratoires, une charrue par exemple, et chacun retournait sur son lopin de terre dans l’ordre naturel et pacifique des choses. Le pouvoir revenait au dirigeant politique élu par les citoyens. La dictature des communistes, c’est conséquemment sous tous les rapports : la dictature de la classe ouvrière.

Le combat pour la liberté

À sa façon, Staline, dirigeait une Union Soviétique menacée et entourée par un ramassis de chefs de pays vindicatifs et belliqueux; et devait néanmoins répondre aux attentes d’une population désireuse de jouir des progrès économiques réels et des libertés nouvelles (mais consciente des limites imposées par des choix cruciaux et impératifs comme l’industrialisation lourde). Il avait à trancher. Les communistes n’ont jamais caché qu’ils exerceraient ce pouvoir. Karl Marx et Frédéric Engels, déjà en 1848, dans le Manifeste du parti communiste, abordait la nécessité de la riposte contre la grande violence brutale de la haute bourgeoisie. La classe ouvrière doit protéger le pouvoir des travailleurs et garantir la démocratie pour tous ceux que justement les riches possédants ont toujours laissé pour compte, de nos jours encore... Ce qui n’exclut pas que le passage au socialisme puisse se faire pacifiquement, par voie électorale.
(Photo SolidNet: base des USA au Kosovo, ex-Yougoslavie, en 2009 - plan aérien).

Engels en a largement parlé en se basant sur l’Allemagne du XIXème siècle. Dans son introduction à l’ouvrage de Karl Marx (Les luttes de classes en France, 1848-1850, Éditions sociales, Paris, p. 26), il écrit : « Mais en utilisant ainsi efficacement le suffrage universel le prolétariat avait mis en œuvre une méthode de lutte nouvelle et elle se développa rapidement. On trouva que les institutions d’État où s’organise la domination de la bourgeoisie fournissent encore des possibilités d’utilisation nouvelles qui permettent à la classe ouvrière de combattre ces mêmes institutions d’État. »

Malgré tout cependant, les parlements capitalistes se précipitent pour retirer des droits que l’on croyait acquis comme le droit de grève, au moment où on proteste contre les reculs, comme les diminutions de salaire. Au point où le terme « injonction » est quasi synonyme de conflit de travail. Et ce, sans oublier, tout le pouvoir des mass média, qui souvent ne ménagent pas les travailleurs qui se hasardent à revendiquer ou justifier leurs positions par des mouvements de protestation pour conserver des droits gagnés lors de batailles épiques.

Changement de propos, il est arrivé, à l'occasion, à l’auteur de ces lignes d’être responsable de services d’ordre pendant des manifestations. Parfois, des « participants », sortis d’on ne sait où, se mettaient à scander des slogans hostiles aux policiers, par exemple; ou invitaient à mettre le feu – aux portes de l’Assemblée nationale du Québec-, encore par exemple. Il n’y avait aucun autre choix possible que d’expulser par la force ces provocateurs, hors de la foule et de réorienter les esprits distraits, désemparés ou amusés! Imaginez, l’administration dans un pays instable, alors que bon nombre d’intellectuels individualistes, de petits bourgeois déboussolés et de bourgeois dépouillés de leurs richesses cherchent à reprendre le pouvoir ou à tout le moins à semer le chaos dans l’attente de se réorganiser de l’intérieur et de l’extérieur (avec la complicité de ramifications internationales en Europe de l’Ouest par exemple).

L’affaire Staline

Comment ne pas comprendre que bon nombre de citoyens soviétiques et de travailleurs de par le vaste monde ait pu être sous le charme, « subjugués » par un chef qui a apporté au peuple la paix, le progrès économique et la puissance internationale? Tout près de nous, un président des États-Unis est à peine élu et ne le voilà-t-il pas déjà couronné du Prix Nobel de la paix, prix prestigieux faut-il ajouter?

Et nous revenons sur les crimes… Devons-nous les attribuer au système ou plutôt les concevoir comme dérive inattendue et imprévue de quelques individus qui ont instauré un « sous-système », dont on n’a pas pu mesure l’ampleur au moment des faits? Après tout, un regard sur Cuba, qui a célébré 51 ans de libération du joug des États-Unis, a un dossier irréprochable sur la question et les dirigeants du pays, ainsi que Fidel Castro, ne cachent pas qu’ils œuvrent pour le socialisme dans leur Île qu’ils aiment passionnément, par ailleurs. Staline a aimé la Russie.
(Photo SolidNet: manifestation en Russie organisée par le parti communiste de la Fédération russe, en 2009).




L’opinion que vous venez de lire va à contre-courant de tous les clichés sur la période stalinienne. Aussitôt qu’on parle de son gouvernement, on se fait répliquer -comme allant de soi- qu’il a trucidé des « millions » de Russes, qu’il était un despote sanguinaire… Oui, ça fait peur. Mais n’est-ce pas plutôt la bourgeoisie qui a peur –et non sans raison- de perdre son pouvoir et avant tout son commerce si lucratif de ventes d’armes dans tous les pays où elle sème la guerre et la désolation? Vous êtes vous jamais arrêté à penser au nombre de morts causées dans les conflits depuis la Deuxième guerre mondiale et l’argent que ça rapporte aux marchands de canon? Réfléchissez un peu à l’Irak, au Viet Nam, au Congo, au… Et la liste est longue.

Au Canada enfin, le Droit reconnaît comme présumé innocent quiconque se voit accusé, et ce, jusqu’à preuve du contraire. Comme l’a souligné le membre suppléant du Comité central du parti communiste du Canada, Catherine Holliday, le temps est venu de créer une Commission d’enquête historique sur l’époque de Joseph Staline. La vérité, l’éthique et la justice exigent cette démarche pour les progressistes et les démocrates. Quant aux autres, laissons-les trembler juste à l’idée que les communistes se réorganisent et fassent le point honnêtement sur leur histoire. Ils n’ont pas besoin des « distingués » professeurs et « réputés » intellectuels du Canada pour le faire.

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Staline, Joseph (Vissarionovitch, Djougatchvili), 1879-1953. On a célébré son 130ème anniversaire de naissance en décembre 2009. Rédacteur de la Pravda en 1917. Secrétaire général du parti communiste en 1922. Président du Conseil des commissaires du peuple en 1941. Il mène la lutte en Union soviétique contre l’Allemagne nazie de 1941 à 1945.



-30-

2 Comments:

Anonymous CCRP said...

Félicitations pour ce brillant article camarade !

7:00 p.m.  
Anonymous Anonyme said...

Le communisme est donc un pari. J'aimerais mieux le voir réussir ailleurs que d'en faire l'essai au Canada. Il doit faire ses preuves. Il est difficile d'être sur d'une idéologie qu'elle qu'elle soit. Le capitalisme est à réviser. Il faut repenser le système bien sur. Il faudrait plutot réinventer le socialisme ou créer un système hybride entre le socialisme et le communisme. Peut être faire des petits pas ?

2:28 p.m.  

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