SYNDICATS, PARTI ET TRAVAILLEURS
vol. 9, no. 15, 13 avril 2009, $ 1.00
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En fait, les communistes ont bien peu à voir avec l’économie souterraine ou les pots-de-vin. Ils ne dirigent pas les grands chantiers et vraiment très, très peu d’entre eux représentent les ouvriers qui oeuvrent sur ces sites. Alors qui profitent d’abord des malversations ou des arrangements sous la table qui font surface ces jours-ci?
On peut penser –et ce ne seraient que des allégations- que des patrons de grandes entreprises pourraient tirer profit –et il revient aux autorités compétentes de le démontrer- de l’octroi injustifié de certains contrats de construction: autoroutes, édifices gouvernementaux ou paragouvernementaux… Auraient-ils soudoyé un quelconque haut fonctionnaire? Y aurait-il collusion avec un homme ou une femme politique qui dissimuleraient vraisemblablement leur concussion ou leur copinage avec des groupes d’intérêt agissant dans l'ombre? Ce n’est pas facile de le savoir.
La Société Radio-Canada a parlé de comptes de dépenses d’officiers syndicaux qui auraient de quoi faire saliver même le goinfre le plus corrompu. La justice suivra son cours fort probablement. La direction de la Fédération des travailleuses et des travailleurs du Québec (FTQ) a décidé de faire le ménage et de coopérer avec la Sûreté du Québec pour ce qui est des affaires louches. Cette attitude s’explique par le fait que la très vaste majorité des représentants syndicaux ne sont pas dans le bain et n’ont rien à voir avec les magouilles montées en épingle par les mass média.
Ce n’est pas nécessaire d’étaler ici au grand jour les exactions possibles de quelques personnes malhonnêtes; d’autant plus que La Vie Réelle n’est pas en mesure de prouver ce que les grands média qui disposent d’équipes de recherche et d’avocats, jouxtant le travail quotidien des limiers des corps policiers (la Gendarmerie royale du Canada, la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal), sont en mesure de révéler au grand jour comme activités criminelles.
Pourtant ce que ce bulletin peut faire, c’est de rappeler la présence des communistes au sein des organisations ouvrières ici au Québec.
Le Parti communiste du Québec
Je me souviens très bien de la première réunion avec des membres du Parti communiste à laquelle j’ai assisté. C’était sur la rue Mont-Royal à Montréal, un soir de semaine, des travailleurs dirigeants les principales centrales et l’Union des producteurs agricoles (UPA) discutaient du grand mouvement social de l’heure et j’y étais en tant que dirigeant de l’Association nationale des étudiants du Québec; c’était fin les années 1970.
Jean Paré de la FTQ parlait avec les autres de ce qu’il fallait adopter comme attitude: unité, solidarité et fermeté. Samuel Walsh, le président du Parti, a expliqué en quoi toutes les organisations populaires du Québec avaient des points en commun et des revendications qui devaient mener à des gains importants face au gouvernement du Parti libéral du Québec, alors encore au pouvoir sous la direction de Robert Bourassa.
Tout était transparent, clair et déterminé. Nous étions en hiver 1975.
À l’été je suis retourné à Montréal, et j’ai pu constater la probité des dirigeants communistes. Au chapitre des comptes de dépenses, c’était plutôt rudimentaire: des sandwichs smoked meat, des frites et des cornichons marinés du restaurant « delicatessen » grec du coin de la rue St-Denis. Achat matinal pour tous: le café et La Presse pour l’équipe du journal communiste Combat.
Lors des fêtes et des célébrations organisées par le parti, les organisateurs se rendaient boulevard St-Laurent chez les commerçants juifs, proches du parti, pour aller chercher de la charcuterie qu’ils allaient vendre pendant la soirée pour répondre aux appétits des participants, ainsi que du pain de seigle et de la moutarde. Parfois, les membres préparaient des quantités industrielles de sauce à spaghetti pour faire changement. Il est même arrivé que des jeunes de la communauté hellénique apportent des pizzas chaudes d’un restaurateur grec du coin pour la vendre pendant les soirées dansantes. Le tout était arrosé de bière, de vin et de spiritueux, achetés légalement et revendus avec permis.
C’est à ce moment-là et par ces petits détails que je me suis rendu compte comment la cause était importante pour l’ensemble des convives. On donnait beaucoup au parti. Une fois, par exemple, j’étais allé au bureau, déménagé sur la rue Parthenais; un médecin est arrivé, a demandé à voir la trésorière. Elle le connaissait. Ils ont un peu bavardé et soudain ce docteur a aligné cinq billets de cent dollars sur la table: « c’est ma contribution du printemps », qu’il a dit… La jeunesse communiste, elle, y allait de trouvailles: des T-shirts pour le Premier Mai (Fête internationale des travailleurs), macarons divers, dénonçant le capitalisme entre autres et concours avec des prix assez originaux comme des toiles du peintre Mario Von Brentani.
Les riches
Ainsi, quelques richards, de super gros patrons qui réussissent à bien garnir leur besace, ont toujours eu la frousse des communistes. Ils savent que ceux-ci défendront d’abord et avant tout les intérêts des travailleurs et qu’ils ne visent pas à s’enrichir personnellement.
Leur but comme parti: c’est le socialisme et la disparition de la classe bourgeoise, pas physiquement bien sûr, mais économiquement. Alors, les capitaines d’industrie corrompent des éléments au sein du mouvement ouvrier, une poignée de représentants ayant une mentalité et une conscience très égoïstes pour trahir les intérêts de la majorité des membres des syndicats.
Ce ne peut être que cela, c’est-à-dire ce problème que vivraient certains syndicats ces jours-ci. Le hic, c’est qu’encore de nos jours, après la chute du mur de Berlin, un petit nombre de dirigeants syndicaux tiennent aussi à l’écart ou comme suspects les communistes. Pas partout dans le monde, mais tout de même au Canada, et en particulier au Québec. Ils « surfent » sur la réputation erronée largement répandue et entretenue par les mass média depuis 1921, la date de fondation du Parti communiste du Canada, après la révolution d’Octobre en Russie en 1917. Il faut croire qu’ils ont la mémoire longue. Mais avec tous ces scandales et ces abominations, ces dirigeants « syndicaux » ne devront pas s’étonner si les membres en arrivent à avoir aussi la mémoire longue et leur donnent éventuellement leur congédiement définitif.
D’ici là, le journal de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Le Monde ouvrier de mars-avril 2009, ne se gêne pas pour mettre le doigt sur ce qui blesse à propos de la situation économique en cours: « Cette crise, qui a été créée sur Wall Street, s’est faite dans un environnement de déréglementation où la fraude massive et la non-intervention de l’État sont devenues pratiques courantes. Conséquemment, des millions de travailleurs et de travailleuses sont victimes de ces approches économiques sauvages [Le journal va plus loin en sonnant le tocsin ouvrier] Le 1er mai sera l’occasion pour le mouvement syndical, communautaire et étudiant de revendiquer des interventions concrètes du gouvernement… »
En passant, et à titre de conclusion pour les jeunes générations à qui on veut inculquer que le syndicalisme est chose du passé, sachez que le titre même du journal, soit Le Monde ouvrier, avait dès le début inspiré l’Association nationale des étudiants du Québec (ANEQ) qui songeait à appeler sa revue Le Monde étudiant; à la toute dernière minute, des éléments plutôt nationalistes avaient préféré Le Québec étudiant; mais la FTQ dans les années 1970-1980 avaient toujours gardé une bonne place dans son cœur pour les représentants étudiants qu’elle inspirait. Ça, c’est la vérité…je peux vous le confirmer pour l’avoir vécu.
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