jeudi, novembre 11, 2010

QUÉBEC: LE VIRAGE À GAUCHE S'ANNONCE

vol. 10, no. 20, Nouvelle édition, 15 novembre 2010
If you wish to read in English: http://wwwlavienglish.blogspot.com/
You will find at the end the link to L'Humanité in English, a selection of articles from the daily communist newspaper published in Paris (France).
C’est selon! Ou on cite Star Inc* qui a révélé, gros titres à l’appui, juin dernier, que des couples d’Hollywood sont en péril : Justin Timberlake, Infidèle?, Cameron Diaz, Entre Justin et A-Rod – son cœur balance; ou Britney Spears, Au bord de la crise de nerfs! Ou on parle des « vraies affaires ». Soudain, un lecteur, jeune soudeur de son état, a téléphoné à La Vie Réelle pour dénoncer l’action de certains ouvriers de l’entreprise qui l’embauche, ayant opté pour le changement d’allégeance syndicale vers la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
Tout ce qu’il sait, c’est que la cause est maintenant pendante devant la cour de justice. Très en colère, il s'agite: « et maintenant le syndicat va protéger les paresseux, les incompétents… » Il faut dire qu’au Canada, on ne se syndique pas individuellement; c’est une adhésion collective pour une ou l’autre des principales centrales dans le milieu industriel, hormis les ouvriers de la construction.
Entre temps, notre jeune travailleur est furieux. Pourquoi? Il devra payer presque trois fois plus cher pour la cotisation syndicale, un changement d’allégeance dont il ne voit pas l’utilité.
LA SOCIAL-DÉMOCRATIE AU QUÉBEC
Comment pourrait-il en être autrement quand la direction de la centrale en cause, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), vient tout juste de relancer – par le biais de sa revue Perspectives CSN-, «un débat » sur la social-démocratie : « Le socialisme réel pratiqué en Union soviétique et dans ses pays satellites a connu une fin peu glorieuse avec la chute du mur de Berlin […] le capitalisme est un temps apparu comme la voie incontournable… jusqu’à ce que la crise financière et industrielle frappe de plein fouet… » (Perspectives CSN, octobre 2010, numéro trente et un, Montréal) (Image Internet: logo de la Confédération des syndicats nationaux - CSN).
Le lecteur aura compris que le grand Capital et les représentants des multinationales cherchent une porte de sortie… idéologique et surtout économique pour le Québec. Alors, pourquoi ne pas essayer de ménager la chèvre et le chou, se disent-ils?
Pour certains syndicalistes en vue, « la social-démocratie représente la voie de l’avenir pour le Québec […] dans la grande tradition réformiste des démocraties occidentales. » En fait, le grand capitalisme occidental, se posait déjà la question avant l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, en 2008.
Celui-ci a d’ailleurs écrit: « Sans philosophie et direction claires, l’Administration Bush et ses alliés au Congrès ont fait face à la situation en poussant, jusqu’à sa conclusion logique, la révolution conservatrice – que ce soit au chapitre de la baisse des taxes, de règles économiques moins coercitives et même d’un filet de sécurité social moins contraignant pour le patronat. Mais avec cette approche, les Républicains ont mené le dernier combat, celui qu’ils ont entretenu et gagné dans les années 1980, alors que les Démocrates sont maintenant obligés de s’engager dans une lutte d’arrière-garde, en défendant le « New Deal » des années 1930. » (Barack Obama, The Audacity of Hope, Random House, Toronto, 2008, p. 187).
Dans la foulée, le 7 octobre 2010, « la CSN, la FTQ, la CSQ et la CSD ont souligné la Journée mondiale pour le travail décent, [pour] la croissance, […] pour combattre la crise et mettre un terme à la pauvreté… » (Webdo-Info, CSN, 7 octobre 2010).
EN AMÉRIQUE DU NORD ET EN EUROPE
En 1952, Joseph Staline expliquait, à propos du développement des pays socialistes, qu’il se produit « une contraction de la ‘sphère d’exploitation des ressources mondiales […] alors que les opportunités de vente sur le marché mondial’ par les pays impérialistes disparaissent. » (James Connolly, citant J.V. Staline in Economic Problems of Socialism in the U.S.S.R. , Moscou). Le dirigeant soviétique souligne « qu’il faut faire des moyens de production dans l’industrie ‘une propriété du peuple entier’ ».
Voilà, ce qu’offrait la direction soviétique aux travailleurs.
(Photo Internet: Joseph V. Staline alors qu'il était un jeune révolutionnaire en Russie).

Le président Obama présente autre chose aux travailleurs de son pays: « Depuis le début des années 1980, les syndicats ont constamment perdu du terrain, non seulement en raison des changements dans l’économie, mais parce que lois du travail actuelles –et la composition du Bureau des relations de travail – offrent peu de protection aux travailleurs. Chaque année, plus de 20 000 travailleurs sont congédiés ou connaissent une diminution de salaires simplement parce qu’ils tentent d’organiser et d’adhérer à un syndicat. […] un médiateur fédéral devrait être disponible pour aider l’employeur et le nouveau syndicat à parvenir à un accord sur une convention dans un délai raisonnable. » (Idem, Barack Obama, p. 215).
Le grand Capital depuis quelques années sent la souper chaude et, toisant le Québec, préfère utiliser ses soutiens dans le mouvement syndical pour attiédir la situation. Après tout, il a encore frais dans la mémoire ces grandes manifestations de 2010 qui ont réuni 75 000 personnes à Montréal, en mars; 50 000 à Québec au printemps; et plus de 10 000 marcheurs en automne dans la lointaine ville de Rimouski.
Et surtout, la menace d’une grève générale brandie par les travailleurs lui est apparue beaucoup plus réelle et tangible.
L’intention non avouée est de court-circuiter le parti politique Québec solidaire qui gagne en sympathie auprès des travailleurs et qui pourrait l’emporter dans plusieurs circonscriptions, surtout dans la région de Montréal, le poumon commercial et le cœur industriel du Québec ; près de la moitié des 7, 8 millions habitants du Québec réside dans la grande région montréalaise.
En fait, les syndicalistes et universitaires qui ont participé aux travaux sur la social-démocratie ont déploré que « ni le mouvement syndical ni les groupes populaires ne [débouchent] sur une action politique susceptible de porter des changements ». À vrai dire, ils constatent que personne ne s’intéresse réellement à eux et que les regards se portent déjà sur Québec solidaire. Nos « sages » ont une réflexion assez particulière eu égard aux valeurs de la social-démocratie : « Les plus riches peuvent s’enrichir, mais pour autant que les plus pauvres en profitent ». (Perspectives CSN)
On va même jusqu’à affirmer, en niant la nécessité de former un parti des travailleurs de masse : « L’État est là pour assurer une régulation, pour imposer, pour exiger. C’est l’État qui doit être le chef d’orchestre du développement économique et social ». (Perspectives CSN)
Alors là, vraiment on s’éloigne des positions de la Fédération syndicale mondiale (FSM) qui se solidarise des travailleurs français dans leur combat pour les retraites. N’a-t-elle pas été fondée à Paris, en octobre 1945 de surcroît. Elle a mené un parcours historique de 65 ans de lutte de classe exemplaires. Elle regroupe aujourd’hui 80 millions de travailleurs dans plus de 120 pays.
(Photo SolidNet: manifestation organisée par le mouvement syndical pan-hellénique-PAME, membre de la Fédération syndicale mondiale- FSM).
Dans un tract diffusé en France, elle soutient que : « Les partis du néolibéralisme et ceux se réclamant de la social-démocratie, inscrits dans le giron du capital international, forment des mécanismes de l’Impérialisme, soit pour l’Union européenne et ou encore pour les États-Unis […] dont les mesures servent exclusivement à la rentabilité des multinationales ». Pour ce qui est des réformes, que ce soit en France ou en Grèce, « elles ont toujours comme objectif central la réduction du prix du travail, [les gouvernements] réduisent les salaires, ils augmentent l’âge de la retraite, ils diminuent les pensions… »
Les travailleurs canadiens, qu’ils soient à la retraite ou encore actifs, manifestent un élan du cœur pour ces travailleurs européens quand on leur donne la chance de s’exprimer sur le sujet.
« Les meilleurs assistants des gouvernements sont les directions du mouvement syndical qui servent les intérêts des gouvernements et des patrons ». (FSM)
À cela, chez les tenants de la social-démocratie au Québec, on répond que « le renouvellement de la social-démocratie s’inscrit dans la mouvance mondiale », même si « les réponses sont encore floues ». (Perspectives CSN).
« Au Québec, le paradoxe c’est qu’on peut repérer, au cours des 50 dernières années et sous différents gouvernements, des initiatives prises dans le domaine des politiques sociales et des politiques socio-économiques qui relèvent de la social-démocratie, même si on n’a jamais eu de gouvernement qui s’en soit réclamé au moment où il prenait ces initiatives. » (Perspectives CSN).
(Photo Michel Faust: Amir Khadir lors d'une visite au Centre l'Échelon, éditeur de la revue en santé mentale Mentalité; il fut accueilli notamment par Daniel Paquet; les journalistes présents se sont informés des politiques nettement plus à gauche que les autres partis politiques, énoncées par le parti Québec solidaire).

LES TRAVAILLEURS FONT BEAUCOUP POUR LE QUÉBEC
La Fédération syndicale mondiale (FSM) rappelle que « les travailleurs, compte tenu des conditions actuelles du progrès technologique et des richesses fabuleuses accumulées, ne peuvent exiger que la satisfaction absolue de leurs besoins modernes. Rien de moins. Ils doivent revendiquer: un travail stable; des salaires répondants aux besoins modernes; la gratuité et la qualité des soins de santé, de prévention et d’éducation, de la sécurité sociale… »
Comme La Vie Réelle ne prône pas l’anarchie et l’anarcho-syndicalisme, nous rappelons que la discipline au travail se poursuivra même sous le socialisme. Comme l’écrit James Connolly, marxiste états-unien, en reprenant les paroles de Joseph Staline, « jusqu’à ce la production marchande disparaisse, ‘les mesures telles que les frais de comptabilité et les taux de profitabilité, les coûts de production, les prix… seront d’une importance réelle dans nos entreprises.’ »
De façon prémonitoire, Staline, répondait par le biais de Connolly à « nos penseurs » de la social-démocratie : « Les ténors actuels ‘ de l’économie socialiste de marché’ ne semblent pas convenir de la possibilité de fausser compagnie au système moribond qu’est le capitalisme – et ne recherchent activement rien de mieux, d’autre part. En pratique, ils n’entrevoient qu’un avenir sans trêve de privatisations, sans aucune perspective de développer la société socialiste envisagée par Marx, Engels, Lénine et Staline. »

L’AVENIR EST BEAUCOUP MIEUX QUE CE QUE L’ON PENSE
La jeunesse des États-Unis est promise au bonheur. On peut le dire quand on a « l’instinct » de la classe ouvrière, son optimisme et son flair collectif, - généralement juste et constant.
Mais il faut rappeler à Barack Obama (le grand troubadour aux illusions), qui s’est entouré des ombres du passé ; que les politiques émanant de la Maison-Blanche n’ont pas toujours été heureuses, y compris pour les citoyens états-uniens.
Ainsi, le 4 mai 1970, un lundi, la Garde nationale de l’Ohio, tira 67 coups de feu en 13 secondes ; elle fit quatre morts et blessa neuf jeunes, dont un qui a souffert de paralysie permanente, sur le campus de l’Université Kent. C’était lors d’une manifestation contre l’invasion au Cambodge par les États-Unis, prolongement de la guerre au Vietnam.
Quatre millions d’étudiants ont fait grève et une bonne partie de l’opinion publique les a soutenus. Hier… direz-vous, mais en demeurant en Iraq et en Afghanistan, n’est-ce pas un "aujourd’hui" encore possible ?
(Photo Internet: Université de Kent, USA; la Garde nationale vient d'abattre quatre étudiants opposés à l'escalade de la guerre du Viet Nam).
La Fédération syndicale mondiale (FSM), a conclu son message en France de la façon suivante : « Les travailleurs ont des intérêts communs, sans distinction de nationalité, de couleur, de race et de sexe. Ils sont des frères, ils doivent lutter ensemble ; être camarades et solidaires. »
États-Uniens, Canadiens-anglais et Québécois nous en parlerons de vive voix en marge du 16ème Congrès de la FSM à Athènes (Grèce), du 6 au 9 avril 2011.
L'Humanité in English, http://www.humaniteinenglish.com
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