jeudi, octobre 21, 2010

QUÉBÉCOIS OU CANADIEN-FRANÇAIS

vol. 10, no. 18, Nouvelle édition, 25 octobre 2010



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On risque bien de passer à la casserole quand on affirme être Canadien-français. Évidemment, c’est le sort que nous réservent les nationalistes. Avant d’aller plus loin, disons-le bien franchement, ça remue beaucoup intérieurement quand on aborde les questions de langue au Québec, la province francophone du Canada. Plus de 85% des 7,8 millions d’habitants y parlent le français. La majorité est issue de la vieille immigration française d’Europe.

À titre de repère, en 2008, on a fêté le 400e anniversaire de la ville de Québec, l’actuelle capitale et jadis le point d’ancrage en Amérique du Nord de la colonisation française.

Cette colonie, la Nouvelle-France a été conquise dans les années 1760 par l’Empire britannique. Elle fut le socle du Canada avec d’autres territoires tels que la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, dès 1867. Le premier Acte constitutionnel de ce nouveau pays date de 1867.

À l’époque, il y avait une certaine égalité numérique entre les francophones et les anglophones, mais l’immigration anglophone a relégué le Québec à rang inférieur; tandis que ses habitants se cantonnaient à la campagne sous la férule du clergé catholique.

L’écrivain communiste canadien, Stanley Ryerson, a décrit l’état des choses comme une « Unequal Union », au détriment des Canadiens-français.

Quel peut être l’avenir du Canada? On ne peut aborder celui-ci sans mentionner qu’il y a le devenir des Premières Nations, les peuples autochtones, à tenir en ligne de compte; ils sont en Amérique depuis au moins 12 000 ans. Il faut les écouter. On les a humiliés, relégués au dernier rang. Ils méritent d’avoir le premier mot dans le débat.

Bien avant la question linguistique, c’est la dimension nationale du Québec qui s’impose. Le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper s’est prononcé en reconnaissant le Québec comme nation. C’est bien peu et trop tard. D’autant plus, qu’il n’y a aucun pouvoir réel qui accompagne cette « reconnaissance ».
(Photo: on peut lutter pour l'émancipation nationale et la cause de la classe ouvrière, manifestation de mars 2010 à Montréal).

Le Québec, un pays nouveau?

Disons les choses bien nettes, le Québec a connu un grand retard; c’est la classe ouvrière, hormis les Amérindiens, qui en a le plus souffert. Il y a eu rattrapage dans les années 1960 lors de la Révolution tranquille, c’était une démocratisation « bourgeoise » de la société : modernisation de la société; de son système d’éducation, de santé, industriel, commercial et financier…

C’est la première fois que les nationalistes ont pu se manifester de façon organisée. Ce n’était plus les bourgeois canadiens-français qui revendiquaient, mais les masses, y compris laborieuses. Pendant la révolution tranquille est né le Parti québécois qui avait un programme indépendantiste et social-démocrate. Il a fait la pluie et le beau temps, y compris dans les fondements (fonction publique; système scolaire et développement des mass médias…) de l’État québécois jusqu’à ce jour. Aujourd’hui, de facto, il y a scission. Les mandarins de ce parti désertent pour affirmer que le Québec doit s’ajuster aux réalités de ce monde : capitaliste et autonomiste, mais pas plus). Ils rêvent de fonder leur propre parti.

Les éléments petit-bourgeois hésitent : quitter le navire et rejoindre le parti Québec solidaire, alliance social-démocrate et nationaliste, ou fidélité au Parti québécois qui n’arrive pas à reprendre toute son autorité morale. Rappelons qu’en 1976, il comptait 350 000 membres. Ces beaux jours sont finis.

Le parti libéral du Québec, carrément bourgeois, cherche le statu quo et s’inscrit au centre. Mais les allégations de trafic d’influence pour la nomination des juges, par exemple, nuisent à sa popularité.

Ce serait l’impasse? Dans le « main stream » oui! Mais, nous n’avons pas entendu la classe ouvrière. Alors « Canadiens-français » ou « Québécois »?

Pour les nationalistes, la question est vite tranchée. Est « Canadien-français » le partisan du statu quo, assimilé au passé, ringard, bref c’est une dénomination déboutée par des décennies de domination nationale. Nous sommes donc des « Québécois ».

Pour les « fédéralistes », ou partisans du statu quo, ce terme ne les dérange pas, en autant que les choses demeurent telles qu’elles le sont; i.e. le maintien du Canada, de sa grande bourgeoisie financière, industrielle et commerciale dans le giron des conglomérats nord-américains. Il n’y a donc pas de problème si nous devenons des « Québécois », en autant que les choses demeurent « business as usual ».

Comme diraient les Français : « ils sont vraiment mal barrés, ces Canadiens! »

Pas vraiment.

Il existe un tout petit parti politique, celui qui m’a écarté des thèses nationalistes dans les années 1970 et qui propose autre chose, au nom des meilleurs intérêts de la classe ouvrière et du modernisme. Il s’agit du Parti communiste du Québec.

À l’instar de Lénine, ce grand chef communiste soviétique, ce parti propose un nouveau pacte constitutionnel où la nation canadienne-française jouira du droit à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit à la sécession. C’est comme un mariage : les conjoints peuvent divorcer s’ils le désirent ou aménager autrement et pacifiquement leur vie de couple. Il va dans l’intérêt des ouvriers canadiens-français de demeurer unis, mais égaux, aux ouvriers d’expression anglaise.

Il va de soi que le Parti communiste du Canada bataille, de son côté, pour que leurs camarades du Québec puissent décider de leur mode de vie dans la confédération et des pouvoirs que les parties peuvent négocier : éducation, santé et immigration…

Peu importe ce que l’on a dit de l’Union soviétique qui n’a pas été, à toutes fins pratiques, authentiquement socialiste, après le décès de Joseph Staline, les 15 républiques soviétiques reposaient sur une solide union de patries nationales et respectueuses de leur histoire et de leur avenir. J’en ai pour preuve l’Estonie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et la Russie que j’ai eu le bonheur de visiter. Les langues nationales étaient plus qu’encouragées.

La langue parlée au Québec

Qu’est-ce que les nationalistes font du bruit quand on parle de langue! À les entendre parler : demain, c’est notre ultime journée de vie. Tous les ténors du mouvement indépendantiste annoncent le crépuscule de notre nation. En un mot, c’est la fin… C’est plutôt vicieux; et le débat, un vrai débat serein doit reprendre le dessus. C’est dommage que les directions syndicales appuient ces leaders séparatistes qui ne sont pas très nombreux après tout.

Si le Québec devient un État associé égal et démocratiquement soudé au Canada d’expression anglaise, jouissant de tous ces droits, pourquoi devons-nous nous plonger dans une discussion stérile sur la question linguistique.

En réalité, les Canadiens-français, les Canadiens d’expression anglaise vivant au Québec et les immigrants devraient jouir du droit suivant : être scolarisé dans la langue de leur choix, i.e. française ou anglaise. Les jeunes Canadiens-français devraient être encouragés à étudier en plus de leur belle langue, la langue anglaise; et la même chose pour les anglophones. Et ce ne peut s’arrêter là. Les enfants, ce sont comme des « éponges », ils peuvent apprendre facilement trois voire quatre langues sans difficultés et sans brader leur langue nationale.

Et ce n’est pas uniquement pour le travail, nous vivons dans une époque où les loisirs, les voyages et les études nous entraîneront vers l’inconnu, l’exotisme et la découverte de tous ces beaux continents vers lesquels l’Internet et les autres technologies nous poussent. Soyons donc prêts!

L’immigration

Quand on touche à la question linguistique au Québec, presqu’aussitôt les immigrants sont pointés du doigt. Dans un ouvrage sur le dauphin d’Adolf Hitler, on y dit : « dès 1924, Himmler ramène tous les maux du monde à la question juive. Pour cet homme, la guerre, la paix, la richesse ou la pauvreté des nations, le bonheur ou le malheur des peuples sont entre les mains de ce qu’il appelle ‘la juiverie internationale’ ». (Himmler, Bernard Michal, Éditions de Crémille, Genève, 1972, pp. 61-62).

« Douze ans plus tard, au procès des criminels de guerre nazis, à Nuremberg, le procureur des États-Unis simplifiera le problème (le feu au Reichstag, ndlr) : ‘Il n’est pas nécessaire de résoudre la question de savoir qui a déclenché l’incendie. Le point significatif est l’emploi que l’on fit de l’incendie et de l’état d’esprit qu’il créa. Les nazis accusent immédiatement le Parti communiste d’avoir préparé et commis le crime, et ils dirigent tous leurs efforts de façon à démontrer que ce simple acte incendiaire était le début d’une révolution communiste. Alors, profitant de la tension nerveuse, ils transforment cette révolution fantôme en une révolution véritable.’ » (p. 86).

Mais les autorités allemandes ont appris, même si elles ne sont pas communistes. D’après le journal Métro, du 18 octobre 2010, « plusieurs universités allemandes ont lancé la semaine dernière des départements de formation d’imams germanophones dans une tentative pour améliorer l’intégration des quelque cinq millions de musulmans que compte le pays. » La population de l’Allemagne est d’environ 90 millions d’habitants.

« Selon le président de la Chambre de commerce et d’industrie allemande, quelque 400 000 ingénieurs et personnel qualifiés font défaut à l’économie […] Le parti de la chancelière, Angela Merkel a expliqué que les immigrés étaient bienvenus en Allemagne, mais devaient apprendre la langue et accepter les normes culturelles du pays. »

Patrick, citoyen d’adoption au Canada, l’a bien compris. Il a quitté sa chaleureuse Jamaïque; il a étudié le français et se met maintenant au chinois mandarin pour pouvoir avoir un bon emploi à Montréal. Il aime le français tout en continuant de parler en anglais, ainsi que ses enfants. Nous en parlons à l’arrêt d’autobus tôt le matin. Safoora élève ses deux filles en ourdou (langue parlée au Pakistan). Elles parlent anglais et français; la plus petite, à dix ans a même étudié l’italien. Et puis, un autre ami, Andréa, soudeur de profession, parle, lui : l’espagnol, l’italien, l’anglais et le français.

On pourrait allonger la liste facilement. Ceux qui sont pénalisés, ce sont les jeunes Canadiens-français dont on préserve le contact d’avec l’anglais. « Non-contaminés », ils peuvent toujours rêver d’un emploi à rabais dans un français assez approximatif, enfin d’après ce que l’on peut comprendre à Montréal.

C’est une honte et une disgrâce nationale. Les communistes n’ont peut-être pas toujours été à la hauteur dans le développement économique de leur pays respectif, mais question culture et langue parlée, on aura peu de choses à critiquer aux enseignants de Gogol, de Tchékhov, ou de Gorki. Il semble qu’ils savent, eux, qu’une phrase : eh bien, ça commence par un sujet, suivi d’un verbe et d’un complément.

Soyons francs, même les mass médias font relâche maintenant quand il s’agit de présenter un français correct sur les ondes. Et pourtant, ils ont davantage de soutien que mon pauvre père d’ouvrier de la construction qui m’a dit il y a quelques années, au début de sa retraite, alors qu’il pouvait lire désormais: tu sais, Daniel, je ne sacre plus maintenant…

danieleugpaquet@yahoo.ca

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