vendredi, octobre 15, 2010

SORTIR DE LA CRISE

vol. 10, no. 17, Nouvelle édition, 18 octobre 2010
If you wish to read in English: http://wwwlavienglish.blogspot.com/

Ambigüités! Métro annonçait le 29 septembre dernier que le gouvernement conservateur de Stephen Harper survivrait à un vote-test au parlement sur des questions budgétaires. De fait, ce fut « business as usual ». Certains allègements fiscaux – pour les plus riches peut-être!- ont été adoptés. L’opposition libérale, courtisant la même clientèle, n’y a pas vu « d’éléments qui suscitent l’inquiétude ». On veut bien voter pour le Parti libéral du Canada, mais il faudrait bien qu’il se démarque du Parti conservateur. Les travailleurs canadiens ne forment pas un électorat « conquis et captif ».
Parlant gros sous, une escapade emmène le lecteur en Grande-Bretagne où on apprend par le journal The New Worker, fin août 2010, que « le budget (de juin 2010 à avril 2014, ndlr) entraînera de façon très importante la montée du chômage, surtout dans le secteur public, occasionnera la dégringolade de beaucoup plus de familles au bas de l’échelle économique et fera en sorte que pour ceux qui y sont déjà, les emplois seront plus difficiles à dénicher. »
En juillet, le même hebdomadaire avait affirmé, en parlant des mesures du gouvernement conservateur britannique : « Essentiellement Cameron (l’actuel Premier ministre, ndlr) presse la population de circonscrire les coupures dans les services et programmes sociaux par le biais de dons ou le bénévolat, et s’ils ne peuvent pas s’y résoudre, il conclura qu’ils ne voulaient pas ou n’avaient pas besoin de ces services en tout premier lieu. »
Songeant aux communistes grecs, The New Worker répond « qu’il y a un choix et que la riposte a déjà commencé en Grèce […] Les communistes à travers le pays (le Royaume-Uni, ndlr) doivent lutter pour mobiliser le mouvement ouvrier en vue de rassembler une opposition unie face aux coupures et introduire un programme en faveur de la classe ouvrière au sein du Parti travailliste. Les Torys et leurs alliés Liberal-Democrat sont au service des riches [….] Faisons-leur payer la crise. »
Quant aux communistes grecs, dès février de cette année, ils ont réclamé : un système de sécurité sociale gratuit, obligatoire pour tous; que le plus bas niveau de retraite soit à 1,120 euros mensuellement (autour de 1,500 $cdn); et que l’âge d’attribution soit à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes, avec une réduction de cinq ans pour ceux qui font des travaux lourds ou dans des conditions insalubres.
Ils exigent aussi que le système de santé soit gratuit et relève exclusivement du budget gouvernemental. (Déclaration du Bureau politique du C.C. du P.C. de Grèce, Athènes, 2 février 2010, page 7).
(Photo SolidNet: manifestation de travailleurs grecs organisée par le Syndicat militant PAME, été 2010 à Thessalonique, deuxième ville du pays).

Le socialisme

Le communiste états-unien, Bill Preston, a relu, pour publication, l’ouvrage de Joseph Staline, Economic Problems of Socialism in the U.S.S.R., rédigé en 1952. D’abord, pour ce dernier, « la classe ouvrière inclut les chômeurs et, a fortiori, les travailleurs sous-employés. » Staline note que « la loi économique fondamentale du socialisme requiert ‘une expansion illimitée de la production’ et ‘un processus illimité d’amélioration de la production s’appuyant sur des techniques toujours plus améliorées. »
Sous le régime socialiste, « la profitabilité des industries et des entreprises individuelles’ doivent être prises en compte à la fois dans la planification de la construction et dans la planification de la production’ » Si on prend le cas de la Chine, on voit que le pays « a investi fortement dans la production de l’industrie légère pour la consommation aux U.S.A. Quand les consommateurs ne seront plus en mesure, dans les pays impérialistes, d’acheter ceux-ci, les biens de ces industries légères faits en Chine vont décliner sérieusement pendant la crise économique mondiale en cours; la Chine a appris encore une fois ce qu’est la vulnérabilité face aux ‘crises économiques périodiques qui se produisent par à-coups’, dans le monde capitaliste. »
Preston aborde aussi la place des syndicats : « Les syndicats dans un pays socialiste qui équipent les travailleurs avec des machines automatisées servent la cause du socialisme et du communisme. Il en va de même pour les syndicats qui facilitent l’avancement culturel et technique des travailleurs. Les syndicats, dans un pays socialiste, qui font des demandes salariales sans se soucier du plan économique gouvernemental, cependant, nuisent à la cause. »
« Staline affirme le besoin de réduire la journée de travail ‘ à pas plus de six, et subséquemment cinq heures par jour […] C’est nécessaire pour que les membres de la société puissent avoir le temps utile et libre pour recevoir une éducation complète. »
Pour ce qui est des salaires réels, ‘ils devraient être à tout le moins doublés, sinon davantage, à la fois par des augmentations directes, et, plus spécialement, par d’autres réductions systématiques des prix à la consommation’. Il faut ‘une abondance de produits, capable de satisfaire toutes les exigences de la société’. Citant Engels, Staline proclame que ‘le travail doit devenir un plaisir, au lieu d’un fardeau’.
Ce monde « idyllique », c’était le programme des communistes soviétiques jusque dans les années 1950. Les turpitudes des successeurs de Staline ont fait reculer le pays. Le retour officiel au capitalisme a fait basculer vers la Russie d’aujourd’hui. Mais, ce n’est pas peine perdue.
(Photo Internet: Joseph Staline et l'écrivain Maxime Gorki).

Les États-Unis

Il semble que la direction du Parti communiste USA (CPUSA) n’a pas tiré des conclusions bien claires de la lutte que doivent mener les communistes contre l’État capitaliste. Ainsi, le secrétaire général du parti, Sam Webb, dans le bulletin électronique People’s World, écrivait en juin 2010, « que le désir pour des changements fondamentaux peut devenir une réelle possibilité », aux U.S.A., sans qu’on sache qui prendra le pouvoir politique et comment cela se réalisera. Mais, plus généralement, quelle est la stratégie des communistes?
Il aborde la question de la relation avec le Parti démocrate, en soulignant que ce « n’est pas une hérésie ou quelque chose pour laquelle on doit se confondre en excuses. » Il a raison, mais cette relation, sera-t-elle d’égal à égal, fondée sur un accord mutuellement consenti? Ça n’empêche pas le P.C. de présenter des candidats aux élections, de mener des campagnes indépendantes dans les mouvements, syndicats et associations de masse (pour la paix et le retour des troupes d’Afghanistan et de l’Irak par exemple). Bref, de se faire voir et entendre.
C’est ce que le CPUSA a fait à l’époque du « New Deal » dans les années 1930. Le lecteur comprendra que si Sieur Webb et consorts ne peuvent tirer des leçons de leur propre histoire, ils en seront quittes pour tout un travestissement en tentant de comprendre ce qu’ont voulu dire les fondateurs du socialisme scientifique, dont Frédéric Engels. Celui-ci a parlé des élections, mais alors là, vraiment des élections, soit de la possibilité de faire du travail indispensable comme l’a entrepris le député de Québec solidaire, Amir Khadir : soit de propager des idées, défendre des causes…
Pour Webb, c’est devenu caricaturalement, et La Vie Réelle cite : « Bien organisée et unie, la classe ouvrière et le mouvement populaire peuvent gagner des positions dans le gouvernement et s’y implanter pour diriger les politiques, institutions et agences publiques à l’avantage des travailleurs et de leurs alliés. En faisant cela, ils créeront les conditions pratiques et idéologiques pour des changements plus radicaux. »
Webb se permet, à son tour, de citer Engels, mais sans indiquer la source, dans le cadre de l’affirmation précédente. Il ajoute cependant, avec un brin d’ironie qu’Engels (1820-1895) l’a écrit à l’automne de sa vie. L’éternelle fantaisie des idéologues de droite : à savoir que la pensée de Marx et Engels a vacillé selon les années.
Nous devons donc lui faire remarquer qu’à propos du suffrage universel, Engels a bien dit au printemps 1850, soit à l’âge de 30 ans, que : « Même si le suffrage universel n’était pas la baguette magique comme les républicains (au sens français, ndlr) crédules et aveuglés, le croyaient, cela avait le plus grand mérite de précipiter la lutte des classes […] et de passer rapidement à travers les différentes étapes d’illusions et de désillusions… » (Marx-Engels, Collected Works, Two Years of a Revolution, International Publishers, New York, 1978, p. 367).
(Dessin Internet: un parti qui a bien besoin de l'aide internationaliste, le Parti communiste des États-Unis d'Amérique).
Ce n’est pas tout! En 1877, Engels (il a 57 ans), précise que le mode de production capitaliste transforme la grande majorité de la population en prolétaires. « Le prolétaire s’empare du pouvoir d’État et transforme les moyens de production d’abord en propriété d’État […] Le premier acte dans lequel l’État apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu’État. L’intervention d’un pouvoir d’État dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l’autre, et entre alors naturellement en sommeil […] L’État n’est pas « aboli », il s’éteint. » (Anti-Dühring, Éditions sociales, Paris, 1950, pp. 319-320).
Ça s’appelle : la Révolution, très cher monsieur Sam Webb. This is Revolution, Sam Webb, Esq.!
Heureusement, il y a une opposition grandissante au sein du CPUSA pour remplacer Sam Webb et sa clique. Terminons cette lecture sur une note calme et philosophique. C’est Jean-Paul Sartre qui a écrit dans « Qu’est-ce que la littérature ? » : Rappelons-nous que l’homme qui lit se dépouille en quelque sorte de sa personnalité empirique, échappe à ses ressentiments, à ses peurs, à ses convoitises pour se mettre au plus haut de sa liberté… » (Éditions Gallimard, Paris, 1967, p. 325).
-30-