vendredi, novembre 19, 2010

QUAND SE NOURRIR DEVIENT SACRÉ

vol. 10, no. 21, Nouvelle édition, 22 novembre 2010

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SORTIE DE L'IMPASSE ÉCONOMIQUE

« Il faut comprendre que la succession des crises depuis 2007 n’est en fait qu’un seul phénomène. Celui-ci a pris naissance dans l’essoufflement et l’éclatement d’une bulle du crédit qui s’est formée durant les années 2000 aux États-Unis. »

Non, il ne s’agit pas d’une déclaration du Parti communiste du Canada (PCC). C’est tiré d’une étude du Mouvement Desjardins. Pour situer le lecteur, disons que cet organisme est « le premier groupe financier coopératif du Canada ». Le Mouvement Desjardins est passé de 2008 à 2009, « du 50e au 34e rang dans le classement des 500 plus grandes entreprises canadiennes sur la base de leurs revenus ».
(Photo: succursale des Caisses populaires Desjardins dans l'Est de Montréal).
Bon, c’est un peu théorique tout ça. L’important à retenir, c’est qu’une visite à l’épicerie du coin est devenue quasiment un pèlerinage dans un lieu saint. Tout commande le respect, à commencer par le prix des aliments. Le blé, dont le Canada est un des principaux producteurs dans le monde, frise des sommets insensés. En témoigne l’escalade rapide du prix du pain. Sans ignorer les autres produits de base : lait, beurre, céréales diverses… Étant donné que le Canada ne parvient pas, malgré des régions au climat favorable (vallée de l’Okanogan et péninsule du Niagara) pendant la belle saison, à faire croître et stocker les légumes et les fruits frais dont se nourrissent les gens; il faut importer ceux de Californie, de Floride et même d’Amérique centrale et parfois même de plus loin : Maroc, Israël et Amérique du Sud (Chili, Brésil…). Ça coûte de plus en plus cher pour les familles ouvrières. On n’a qu’à penser au transport. Pétrole oblige!
Même la viande – dont le Canada est aussi un grand producteur- (qui dépend des prix des céréales pour le bétail) est en hausse. Ça, c’est pour la nourriture. Nous n’avons pas encore parlé du logement. Il y a encore quelques années, les copropriétés (i.e. les condominiums) séduisaient; ainsi que les maisons individuelles en banlieue, notamment dans la région de Montréal. C’est presque hors prix maintenant. Le chauffage par électricité augmente. Et que dire du prix des carburants (dont l’essence). On voyage davantage pour aller au travail lorsqu’on demeure à l’extérieur des villes...
Sobrement, on peut dire que le coût de la vie connaît une forte croissance, alors que le pouvoir d’achat recule. Les Québécois ont cru être à l’abri du phénomène, étant donné que la province est toujours un fournisseur de ressources premières (énergie à bon marché pour le continent nord-américain, bois, minéraux…). Maintenant, il y a contraction sur les marchés mondiaux, en particulier aux États-Unis, qui, lui, a un chômage atteignant les 10 % environ.
Les grandes compagnies canadiennes et étrangères font payer la crise aux travailleurs : réouverture des conventions collectives ou recul lors de l’expiration des contrats avec demandes de réduction salariale ou encore de « réaménagement » des fonds de pension. On gagne moins, on travaille plus longtemps et on reçoit moins à la retraite. Voilà le parcours. Les grands syndicats n’étaient pas prêts à cela; d’autant plus que le Canada s’en sortait assez bien; surtout en comparaison avec les pays européens.
Le journal de la Fédération des travailleurs du Québec (500 000 membres), Le Monde ouvrier, a révélé en novembre 2010 que « selon Statistique Canada, de novembre 2008, soit avant la récession, à août 2010, on enregistre un déficit de 22 000 emplois à temps plein contre une progression de 75 000 emplois à temps partiel. Le secteur de la fabrication, réputé pour ses emplois de qualité, enregistre le recul le plus important et les pertes d’emplois se poursuivent en 2010 avec 25 000 emplois en moins de janvier à août. Au total, depuis octobre 2008, le recul atteint 42 800 emplois. Aucune région n’a été épargnée." Faut-il rappeler que le Québec a une population de 7, 8 millions d’habitants… seulement.
Le journal de la FTQ dénonce aussi les conditions de travail : « Les horaires de travail asociaux, de nuit, de soir, brisés, sur appel, non connus à l’avance, les changements de dernière minute, le travail en heures supplémentaires, parfois même obligatoire, sont autant de contraintes qui ont des effets sur la vie personnelle de nos membres mais aussi sur leur santé. »
Les membres de la Fédération se promettent bien d’en parler puisqu’ils seront en congrès à Montréal du 29 novembre au 3 décembre 2010.
Pour en revenir au Mouvement Desjardins, disons qu’à l’origine, le fondateur, Alphonse Desjardins « voulait que les hommes et les femmes de tous les milieux acquièrent l’habitude de l’épargne et se donnent ainsi les moyens de mieux maîtriser leur avenir ».
Aujourd’hui le Mouvement œuvre dans la cour des grands et ses économistes, traitant de la crise financière en cours, affirment que « l’histoire économique est remplie de tels épisodes […] Ils argumentent que les récessions faisant suite à des crises financières sont souvent plus graves par leur ampleur et leur longueur. Toujours aux prises avec un taux de chômage respectif de près de 10% et de 20%, les travailleurs américains et espagnols sont sans doute largement en accord avec cette conclusion. »
On ne souffle pas un mot dans cette déclaration des baisses d’impôt pour les plus fortunés de la société, on ne pas dit que « c’est surtout la baisse des revenus fiscaux qui a alourdi les déficits des pays industrialisés membres du G-20. […] Des programmes d’austérité trop sévères risquent de freiner une croissance économique qui est encore bien fragile, notamment en Europe et aux États-Unis. »
On peut trouver cette déclaration sous la rubrique suivante : Espace D, Septembre-octobre 2010, vol. 47, no. 4, espaced@desjardins.com .

La crise et les marxistes

(Photo: banlieue typique de l'Est de Montréal). Comme l’avait relevé La Vie Réelle (cf. Sortir de la crise, vol. 10, no.17, 18 octobre 2010), l’Europe est réellement gangrenée par la crise. Le gouvernement britannique a supprimé « quelque 500 000 emplois dans le secteur public ». Il y aura « une baisse de 11G$ des prestations sociales, laquelle s’ajoute à la coupure de 18G$ déjà annoncée cet été ».
Ce, alors que des sommes, un tourbillon de milliards, sont engagées dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan et… potentiellement contre l’Iran. À ce sujet, le porte-parole de Canadians for Peace and Socialism, Don Currie, rapporte dans The Valley Voice du 22 septembre 2010 « que face à la tension croissante et aux plans d’action militaire israélo-états-uniens contre l’Iran, le Premier ministre Harper, le Ministre des Affaires étrangères Cannon et le Ministre de la Défense Peter Mackay réitèrent simplement leur appui non-critique en faveur d’Israël et condamnent l’Iran, en n’offrant rien de constructif pour affirmer le caractère indépendant du Canada en matière d’une politique étrangère de paix, à l’instar de la Turquie, de la Russie et du Brésil. »
Voyons voir ce que les communistes réservaient au système capitaliste au début du XXe siècle. Le marxiste états-unien, James Connolly, rappelle que « Lénine et Staline [...] savait qu’à l’époque du capitalisme monopoliste, la loi du développement inégal crée des possibilités –que l’on doit saisir- puisque la révolution prolétarienne mûrit dans des pays moins développés et plus faibles comme la Russie ».
Pour planifier l’économie et rompre avec les crises, James Connolly souligne : « Staline, citant Engels dans Anti-Dühring, décrit ‘la conversion en propriété d’État’ en tant que ‘forme initiale de nationalisation, […] la forme initiale la plus naturelle de nationalisation’ aussi longtemps que l’État existe. » (Economic Problems of Socialism in the U.S.S.R., Moscow, 1953).
James Connolly répond que le socialisme élimine le fléau du chômage. Quiconque peut travailler pourra le faire […] L’abolition du chômage signifie l’abolition de la base matérielle de l’hostilité des travailleurs pour les machines qui « économisent » le travail humain […] Sous le socialisme, elles sont source de temps libre, mais pas de chômage. […] L’État garantit un emploi à chacun peu importe le succès ou son absence réduisant le besoin du travail de celui-ci ou de celle-là.
Une petite note sur le capitalisme
« Notre travailleur, il faut l’avouer, sort de la serre chaude de la production autrement qu’il y est entré. Il s’était présenté sur le marché comme possesseur de la marchandise ‘force de travail’ vis-à-vis de possesseurs d’autres marchandises, marchand en face de marchand. Le contrat par lequel il vendait sa force de travail semblait résulter d’un accord entre deux volontés libres, celui du vendeur et celle de l’acheteur. L’affaire une fois conclue, il se découvre qu’il n’était point un ‘agent libre’ ; que le temps pour lequel il lui est permis de vendre sa force de travail est le temps pour lequel il est forcé de la vendre, et qu’en réalité le vampire qui le suce ne le lâche point ‘tant qu’il lui reste un muscle, un nerf, une goutte de sang à exploiter. » (Le Capital, Livre premier, Tome I, Karl Marx, Éditions sociales, Paris, 1971, pp. 295-296).
(Photo: marché d'alimentation dans l'Est de Montréal).
Conclusion, on se demandera pourquoi Staline fut si respecté par la classe ouvrière. Comme on dit au Québec, il « mettait ses culottes » quand le temps de défendre les travailleurs se pointait à l’horizon.
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