LE STRESS
Avant-propos: le psychiatre français, Bernard Doray, est partie prenante dans l'organisation d'un Congrès international des cinq continents qui aura lieu en octobre 2011 sur le thème: Troubles psycho-sociaux, La santé mentale et effets psychiques de la globalisation. D'ici là, La Vie Réelle vous tiendra informés de la marche des travaux préparatoires, en particulier de la participation de psychiatres et psychologues du Canada.
vol. 9, no. 31, 2 novembre 2009, $ 1.00
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Le journaliste Patrick Coupechoux du quotidien communiste français l’Humanité a écrit un excellent article: « De l’usage du concept de stress ». Son article publié par l’Humanité in English, explique qu’en confinant le stress au domaine du médical, « ça rend possible d’esquiver le débat politique et social et de « médicaliser » le problème : s’ils ne peuvent en arriver à contrôler leur stress, les employés n’ont qu’à consulter un docteur ou un thérapeute. » En fait, l’individu devient seul responsable de son état. (Photo: homme seul - face au local des Métallos, à Paris)
La Presse canadienne rapportait en août que « le nombre de suicides en milieu de travail a bondi de 28 pour cent l’an dernier aux États-Unis », selon des données rendues publiques par le département américain du Travail; ce, quand les employés ont dû composer avec les difficultés de leur entreprise, en plus de voir plusieurs de leurs collègues être mis à pied. Ne pourrions-nous pas y voir un exutoire au stress et à l’angoisse profonde?
D’ailleurs comme en témoigne l’Humanité in English: souffrant au travail, un jeune technicien, âgé de 28 ans s’est suicidé. Pour ses collègues ainsi que les syndicalistes, les conditions de travail sont à blâmer. « Nicolas 28 ans, n’a fait qu’ajouter son nom à la liste sinistre; il est le 20ème employé de France Telecom à se suicider depuis février 2008 », selon eux.
En Russie, il semble que les citoyens ont jeté leur dévolu dans l’alcool qui a pris les dimensions d’une catastrophe nationale, d’après le président Dmitri Medvédev, confirme Argenpress. " C’est impossible de vaincre l’alcoolisme dans un pays pauvre. En même temps, il a reconnu que les Russes buvaient moins dans la décennie 1990, quand ils vivaient pire. » N’est-ce pas parce qu’ils espéraient tant des changements que leur promettaient les nouveaux dirigeants avec la contre-révolution qui venait tout juste de s’installer en URSS? Aujourd’hui, c’est le cynisme et la fatalité. Ils noient leur chagrin comme le veut l’expression… et le stress par le fait même.
Aux États-Unis, devant les chiffres record de suicides et la vague de dépressions parmi leurs soldats, l’Armée prépare peu à peu des formations spécialisées destinées à redonner du chien à leurs militaires pour qu’ils soient plus résistants au stress émotionnel, relié aux situations de guerre.
Signe des temps, la chaîne IKEA dans sa dernière publicité livrée aux domiciles ne se gêne pas pour nous faire voir un grand lit accueillant au dessus duquel est écrit Journée stressante? (On a prévu le coup).
L’authenticité, la crédibilité et l’intégrité
En juin 2009, s’est tenu le colloque Le trauma : un symptôme de notre civilisation. Le psychiatre Bernard Doray, y a présenté une allocution fort captivante s’intitulant Les traumatismes : état des lieux – 2009. Tous ces « suicidés » auraient bien aimé qu’on leur dise : « Ne pas dénier que le clinicien est quelque part dans le même bain que le patient car le monde humain est un, n’invalide certes pas le regard distancié, qui est indispensable pour la rationalité de l’acte clinique. […] Il arrive par exemple que la neutralité du thérapeute soit toxique, surtout si elle s’accompagne d’une ignorance de ce qu’a vécu le patient et de l’intime certitude que ce qui lui est arrivé ne pourrait en aucun cas lui arriver à lui-même. Il est des situations où la fraternité est thérapeutique. »
Citant le docteur Sylvestre Baramcira, sur les tristes événements du génocide rwandais, M. Doray, à propos des survivants, dit que le docteur Baramcira a expliqué: « Ceci signifie que la personne est dans un état de mort-vivant, elle est morte parce qu’on l’a tuée, même s’il elle reste vivante. Cela rend difficile le traitement. Il faut que les patients aient confiance et qu’ils considèrent pratiquement le thérapeute comme l’un des leurs, sinon ils ne s’expriment pas. Il faut, que vous déclariez votre réprobation de ce qu’il a vécu. »
En somme, même dans des conditions qui ne sont pas extrêmes, le thérapeute doit permettre au patient de savoir « à qui il va se confier ». Dans un pays comme le Canada, il n’y a pas de torture, de guerre civile, mais il y a des exclusions sociales: vous ne vivez pas aussi bien que la majorité des citoyens du pays si vous êtes Amérindien dans les réserves ou même en ville; un regard torve peut se manifester sur votre passage si vous êtes Noir et, de nos jours, de mépris si vous êtes Maghrébine portant le voile. Alors que dire des communistes qui sont connus, veulent s’exprimer et n’ont pas appris à le faire -sans être rejetés- dans une société où tout respirait l’anticommunisme le plus primaire? (Photo: Corinne et Dominique, communistes français et Daniel, communiste québécois - mêmes luttes au quotidien)
Bernard Doray évoque l’idée qu’ « une longue fréquentation de la problématique de la néoténie humaine, autrement dit du fait que la constitution de l’individu humain s’achève dans la culture et non pas dans la nature sous la loi du code génétique, pourrait rendre compte de cette névrose de l’humanité. » Il note au passage : « Et qui plus est, chaque type de scène traumatique comporte une charge de déshumanisation particulière. »
Son discours se termine de façon optimiste sur la « thérapie de resymbolisation bien active ». À vrai dire, on parle de guérison; dans certains cas, on dira le rétablissement, comme ici en Amérique du Nord. Néanmoins, il appert que l’acte médical est une intervention dans la psyché qui est plus que thérapeutique. Elle est idéologique, politique et sociale. Ce n’est tout de même pas pour rien que les communistes ont souvent parlé, surtout pendant la guerre froide, de lutte psychologique entre l’Est et l’Ouest. Il en reste des relents au Canada, mais ce qui remontent à la surface maintenant, c’est l’ignorance et la volonté des travailleurs et de la population en général de connaître qui était l’adversaire en cause, et ce qu’il voulait en bout de piste. « Et vous les communistes, que voulez-vous au juste? » supplante le carcan de la peur. On casse les tabous partout. C’est peut-être cela la catharsis…
(Photo: café public à Paris - thérapie de choc pour les communistes)
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