mardi, juin 16, 2009

L'INDÉPENDANCE DE LA CLASSE OUVRIÈRE

vol. 9, no. 23, 22 juin 2009, $ 1.00
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Le communiste Jean-François Autier, ajusteur mécanicien à la retraite, a eu la gentillesse de faire parvenir à La Vie Réelle les données précises sur le résultat des élections européennes du 7 juin 2009 en France, colligées par le Ministère de l’Intérieur. Alors sur 17 218 974 voix exprimées, 7 813 596 ont été recueillies par la gauche toutes nuances confondues, y compris le Parti communiste français (PCF). Malgré la « victoire » de la droite, la presse conservatrice au Canada n’a pas pavoisé car ce gain n’est pas décisif sur le terrain. Quand on a publié l’ouvrage Les luttes de classes en France, en 1895 (Editions sociales, Paris, 1974, p. 25-26), Friedrich Engels, rédigeant l’introduction, affirma : « Et si le suffrage universel n’avait donné d’autre bénéfice que de nous permettre de nous compter […] ce serait déjà plus que suffisant. […] Il nous a fourni un moyen qui n’a pas son égal pour entrer en contact avec les masses populaires là où elles sont encore loin de nous, pour contraindre tous les partis à défendre devant tout le peuple leurs opinions et leurs actions face à nos attaques… » (Photo : un groupe de communistes français)

Peut-être que le Front de gauche (Gauche unitaire, Parti de gauche et Parti communiste français), qui s’est créé pour ces élections et qui entend s’enraciner dans la vie politique de la France, pourrait élargir sa base en présentant aux travailleurs français et au peuple en général: une plate-forme dénonçant le harnachement du pays aux desiderata des grandes corporations multinationales et françaises, au lieu de répondre aux attentes de la population eu égard à l’emploi et à la redistribution de la richesse nationale. Aussi, c’est inconcevable que des pans entiers de la culture française soient abandonnés au Front national alors que le Parti communiste français, et la Résistance l’a plus que démontré, est un grand parti national et patriotique, y compris pour les questions économiques et culturelles. Cela n’empêche pas la gauche de répondre à des problèmes criants comme l’immigration.

Jetons un œil sur l’éditorial du People’s Weekly World (communiste) du 19 juin, publié à Chicago : « On ne se surprendra pas que les 12 millions de sans-papiers au pays (USA, ndlr) représentent une importante contribution à l’économie locale là où ils demeurent. Les politiques et mesures draconiennes soumettent les villes et municipalités –et le pays tout entier- à de graves risques économiques. Les immigrants travaillent dur et paient des taxes – taxe de vente, de propriété, sur le revenu et les taxes de Sécurité sociale, et plus – qui stimulent et relancent l’économie des États. » (Photo: commerce algérien à Paris)

À toute fin pratique, le grand patronat dresse une partie des travailleurs contre les immigrants afin de diviser pour mieux régner. Il en va de même avec les traités internationaux. Que ce soit le Traité constitutionnel rejeté par le peuple français par référendum en mai 2005 ou encore l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui, lui, n’a pas fait l’objet d’un référendum; mais accorde aujourd’hui des pouvoirs démesurés aux multinationales nord-américaines qui peuvent poursuivre en justice les États membres (USA, Mexique et Canada) nuisant à leur expansion. L’ALENA sert à garantir une main-d’œuvre corvéable pour les grandes entreprises, notamment au Mexique, des ressources en matières premières et d’énergie à bon marché du Canada, et un vaste bassin de consommateurs aux États-Unis.

Si le lecteur le permet, voici une dernière citation des travaux de Karl Marx et Friedrich Engels; ils ont rédigé le Manifeste du Parti communiste en 1848 où ils écrivent : « À la place [des fers du féodalisme] est apparue la libre compétition, accompagnée d’une constitution sociale et politique adaptée à celle-ci, sous l’influence économique et politique de la classe bourgeoise. » (The Communist Manifesto, Washington Square Press, Pocket Books, New York, 1964, p. 66)

Et tant qu’à se faire des confidences, voici une citation de Lénine. Mais d’abord un mot sur cet homme pour rappeler qu’il s’agissait d’un esprit libre (j’entends quelques uns qui font les gorges chaudes), mais c’était le cas; étant donné qu’il a vécu en exil en Europe de l’Ouest, notamment à Paris, il a pu se faire à son ambiance et profiter de ses nombreux contacts avec les ouvriers français pour connaître les réalités de l’Hexagone. C’est pourquoi, il n’hésita pas à se prononcer à propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe: « En régime capitaliste, le développement égal des différentes économies et des différents États est impossible. Les seuls moyens possibles, en régime capitaliste, de rétablir de temps en temps l’équilibre compromis, ce sont les crises dans l’industrie et les guerres en politique. Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les États-Unis d’Europe sont également possibles, comme une entente des capitalistes européens… dans quel but? Dans le seul but d’étouffer en commun le socialisme en Europe… » (Œuvres choisies, Éditions du Progrès, Moscou, 1980, p. 163)

N’est-ce pas le temps d’un changement en profondeur?

Il ne faudrait pas que les réformes tardent trop à venir du côté des USA, sur la scène internationale, à commencer par la crise au Moyen-Orient, parce que tôt ou tard on doutera de la parole de Barack Obama et de son credo ou programme politique. Encore une fois, reprenons son livre The Audacity of Hope (First Vintage Book, Toronto, 2008, p. 373), il prévient: « Le système de libre marché et de démocratie libérale qui caractérisent maintenant la plupart des pays développés n’est pas sans défauts; il peut trop souvent refléter les intérêts du puissant sur le faible. Mais ce système est l’objet de changement constant et d’amélioration – et c’est précisément face à cette ouverture au changement que les démocraties libérales fondées sur le marché offrent aux peuples du monde la chance inégalée d’une vie meilleure. »

M. Obama, comme La Vie Réelle l’avait expliqué auparavant, est issu des grandes écoles états-uniennes. Ce n’est pas facile de briser le moule. Mais ne devrait-il pas prendre exemple sur d’autres personnalités qui ont marqué leur époque? Ne serait-ce que Bertolt Brecht (Les Arts et la révolution, L’Arche, Paris, 1967, p. 144) qui, pour éviter le mimétisme, écrit à l’endroit des architectes allemands: « Qu’on ne doit pas prendre pour modèles les nouvelles constructions de la Russie soviétique et de la Pologne démocratique en ce qu’elles ont de spécifiquement russe ou polonaise, mais en ce qu’elles ont de socialiste ou de démocratique. » (Photo: Architecture religieuse à Paris)

Les peuples n’aiment pas se faire imposer les choses, c’est ce que devra comprendre Barack Obama; s’il connaît un peu le droit, il pourra méditer cette phrase de Montesquieu : « La place naturelle de la vertu est auprès de la liberté… » (De l’esprit des lois, Éditions sociales, Paris, 1977, p. 96)

Les nationalistes québécois

Puisque cet article portait d’abord sur l’indépendance de la classe ouvrière, il serait utile de comparer le statut de la France, une France indépendante et libérée des grandes sociétés bancaires, industrielles et commerciales, et d’autre part de la place des classes moyennes du Québec qui rêvent, non pas dans leur majorité, de devenir indépendantes du reste du Canada. Leur parti politique: « le Parti québécois veut mobiliser les Québécois en ouvrant de nombreux fronts, en multipliant les revendications auprès du gouvernement fédéral. À défaut d’obtenir toute la souveraineté, un gouvernement péquiste commencera par la récupérer morceau par morceau, compétence par compétence [alors que] ‘depuis 2006, le gouvernement Harper respecte les compétences du Québec et reconnaît les aspirations de la nation québécoise’ a dit Dimitri Soudas, l’attaché de presse de Stephen Harper. » : propos repris par le quotidien libéral La Presse du 8 juin.

Pour ce qui est du journal nationaliste Le Devoir, « Jacques Parizeau (ancien premier ministre du Québec, ndlr) juge que la tenue d’un référendum sectoriel, une formule dont on a commencé à débattre au Parti québécois, peut être très utile au mouvement souverainiste en engendrant une crise politique qui conduirait à l’indépendance du Québec. […] ‘En fait, il faudrait susciter la crise’. »

Un ami français de La Vie Réelle vivant au Québec, suite à une question sur l’engouement des démocrates français pour le Québec, a répondu que cela remonte aux années 1970 quand il y a eu la crise d’octobre et la mobilisation militaire dans les rues de Montréal pour mater ce qui ne fut jamais une insurrection. Mais l’image a traversé le temps et les gens de gauche en France croient que les Québécois vivent dans un État quasi policier et que seule l’indépendance leur permettra de vivre libres comme d’autres peuples à travers le monde. Il a rajouté qu’en fait les Québécois vivent tout à fait comme les Canadiens anglais.

D’ailleurs, hormis la question linguistique qui suscite un grand malaise quand les Canadiens français estiment qu’ils ne sont pas libres de parler français n’importe où au Québec sans discrimination et qu’ils craignent de ne pas pouvoir briguer des postes intéressants, y compris de direction, tout se passe bien. Oui, les choses ont changé et comme le disait une jeune journaliste récemment: « j’en ai une écoeurantite aiguë quand les péquistes nous reviennent avec leur éternelle ‘souveraineté’. »

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ANNEXE SUR LE VOTE EUROPÉEN

L'abstention, en %, dans les 27 états membres de l'Union européenne, en 2009

Allemagne...... 56,7 % Autriche.......... 57,6 % Belgique.......... 9,6 % Bulgarie.......... 62,5 %Chypre............ 40,6 % Danemark....... 40,5 % Espagne.......... 54,0 % Estonie............ 56,8 %Finlande.......... 59,7 % France.............. 59,5 % Grèce................ 47,4 %Hongrie........... 63,7 %Irlande............ 42,4 % Italie................. 33,5 % Lettonie............ 47,4 %Lituanie............ 79,1 %Luxembourg.... 9,0 % Malte................. 21,2 % Pays-Bas......... 63,5 % Pologne............. 75,5 %Portugal.......... 63,0 % Tchéquie........... 71,8 % Roumanie......... 72,6 %Royaume-Uni... 65,7 %Slovaquie........ 80,4 % Slovénie............ 71,8 % Suède................ 56,2 %

(Source : Résultats des élections européennes 2009, Parlement européen.)


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