mercredi, septembre 02, 2009

OÙ NICHEZ-VOUS M. OBAMA?

vol. 9, no. 24, 7 septembre 2009, $ 1.00

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Déjà le 14 juin dernier, The Gazette reprenait les propos de la Secrétaire d’État des États-Unis, Hillary Clinton, à l’effet qu’elle « respectait profondément les commentaires du ministre (Lawrence Cannon, ndlr) et son inquiétude, mais comme le Président (Barack) Obama a dit, rien dans notre législation ne contredira nos obligations commerciales internationales, y compris avec le Canada ». En gros, elle soutient la loi états-unienne « Buy American ».

Dans un autre ordre d’idées, quelques jours plus tard, le président de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire de Cuba, Ricardo Alarcon, a inauguré une exposition de tableaux d’Antonio Guerrero, ami de La Vie Réelle, en déclarant fermement: « Nous rejetons catégoriquement tout type de décision qui n’inclut pas la libération (des Cinq de Cuba, ndlr). » Dans le Bulletin Cubart qui a suivi peu de temps après, soit le 23 juin, « les artistes cubains appellent ceux des États-Unis à appuyer le cas des Cinq […] L’appel réitère sa conviction que si le peuple nord-américain connaissait la vérité sur ce processus juridique, il mettrait toute son ardeur afin que les Cinq soient définitivement libérés et qu’ils reviennent au sein de leurs familles. »
(Photo: Antonio Guerrero en 2007 au pénitencier de Florence)



Il n’y a pas de doute, le président des États-Unis, devra cesser de tergiverser et déclarer sans hésitations de quel côté il se range: de la démocratie, ou plutôt de la dictature des riches possédants (d’entreprises ou de domaines agricoles). Il n’est pas le seul, comme le note par ailleurs Duff Conacher, coordonnateur de Democracy Watch, « les politiciens fédéraux (du Canada, ndlr), depuis 142 ans, ont failli à la tâche d’établir des systèmes de règlements et de mesures de contrôle pour garantir un gouvernement représentatif, honnête, éthique et ouvert; avec pour résultat le gaspillage de centaines de milliards de dollars en fonds publics, ainsi que l’abus et le tort faits à des milliers de personnes et des centaines de communautés souvent parce que les politiciens protégeaient leurs amis, les supporters du parti, les membres de la famille ou encore eux-mêmes ».

Mais revenons à l’Amérique latine, le 28 juin, on apprend que la consultation populaire est torpillée au Honduras après le coup d’État contre le président Zelaya du parti libéral. Le gouvernement des États-Unis est pointé du doigt. Ironiquement, le quotidien français -se proclamant de gauche- Libération, informe ses lecteurs, à propos de l’événement, soutient que ce président voulait « réduire une réforme constitutionnelle à la possibilité de réélection du président sortant […] L’exemple des réformes constitutionnelles dans la région montre qu’il s’agit de tout autre chose: permettre des transformations sociales en profondeur » auxquelles ne semble pas souscrire le quotidien parisien selon la dépêche d’Investig’Action de Belgique, du 6 juillet 2009. Sous ce rapport, le Front national de Résistance populaire qui s’est créé dans le pays, suite aux événements, affirme que le retour du président Zelaya ou encore le changement de gouvernement qui pourrait avoir lieu lors des prochaines élections générales ne le feront pas dévier de « ses objectifs à plus long terme appuyés par le peuple incidemment. » La porte-parole, Margarita Murillo, répondait ainsi à une entrevue réalisée pour le compte d’Argenpress.

Pourtant, le coup d’État semblait prévisible au Honduras. D’après Métro, « la tension était croissante ces dernières semaines au Honduras ». Le même journal ajoute que les « États-Unis, l’Union européenne, l’ONU, l’Organisation des États américains, le Venezuela et la Bolivie ont dénoncé ce coup d’État. » La même journée, Argenpress a rapporté qu’un fonctionnaire du Département d’État états-unien, préférant conserver l’anonymat, a déclaré que « nous reconnaissons Zelaya comme l’unique président constitutionnel du Honduras. Nous n’en reconnaissons pas d’autres. » Mais des organisations populaires latino-américaines, telle la Convergence des Mouvements des peuples des Amériques (COMPA), a affirmé, dans Argenpress deux jours plus tard, que le coup d’État est attribuable à la droite hondurienne, appuyée par « les groupes les plus réactionnaires des États-Unis. »

Investig’Action, quelques jours plus tard, a sollicité le point de vue de l’écrivain américain Michael Parenti qui souligne que « l’armée hondurienne est entraînée, conseillée, équipée, endoctrinée et financée par l’État sécuritaire national des États-Unis. […] Son silence a eu pour effet de se muer en acte de complicité, même si l’intention n’y était pas au départ. […] En tant que président, Obama a une influence considérable et des ressources immenses qui auraient pu faire échouer les auteurs du coup et qui pourraient d’ailleurs toujours être appliquées contre eux avec un effet certain. Aujourd’hui, sa position à propos du Honduras est trop molle et trop tardive, comme c’est en fait le cas avec un trop grand nombre de choses qu’il entreprend. » (Photo: siège montréalais d'une grande corporation du bitume aux fins industrielles)

Pour sa part, la ministre des Affaires étrangères des États-Unis, Hillary Clinton, espère qu’ « il pourra y avoir restauration de la démocratie ». Le président Obama lors de son voyage à Moscou, a déclaré que l’unique président constitutionnel du Honduras était Manuel Zelaya. Pendant ce temps à Washington, l’extrême droite et les faucons manoeuvraient pour que ce dernier négocie un « pardon humiliant pour les illégalités que lui attribuent les putschistes ».

Selon Argenpress, au début août, « le président du Costa Rica, qui est médiateur dans la crise, a proposé aux deux parties (Zelaya et Micheletti) une amnistie politique et la formation d’un gouvernement de réconciliation qui ramènerait la paix dans ce pays. »

Voici les crimes de Zelaya selon certains Honduriens:

- Il a haussé le salaire minimum;
- Il a amélioré les pensions des personnes âgées;
- Il a baissé le prix des transports publics;
- Il a augmenté le nombre de bourses pour les étudiants;
- Il a fait construire des écoles dans des zones rurales reculées…

Et on pourrait prolonger la liste; ces « illégalités » sont somme toute assez similaires aux droits dont jouissent déjà les Canadiens et les Québécois en particulier.

Chez nos voisins du Sud, le Parti communiste des États-Unis propose, afin d’augmenter la pression sur le gouvernement états-unien, que ses militants et le public en général entreprennent entre autres les démarches suivantes: « communiquer avec la Maison-Blanche et le Département d’État afin qu’ils annulent les visas des officiels militaires et civils du régime putschiste, de geler les comptes bancaires et de retirer tout leur personnel de la base militaire de Soto Cano…

Qu’en dirait Lénine?

Le peuple hondurien est plongé dans un marasme politique. A-t-il la force, y compris armée, pour reprendre le pouvoir dans son pays? Pour l’instant, et c’est louable, il fait entendre sa voix dans le pays: barrages routiers, manifestations de travailleurs et de la jeunesse, et désobéissances civiles… De plus, il peut compter sur la solidarité internationale. Mais le gouvernement états-unien semble avoir fait son choix; à tout le moins les éléments de droite et d’extrême droite incrustés dans l’appareil de l’État depuis le règne de George W. Bush.

Alors que reste-t-il à faire?

Lénine, dans des moments encore plus risqués, avait dit: « La phrase révolutionnaire, c’est la répétition de mots d’ordre révolutionnaires sans égard aux circonstances objectives, au changement marqué par les derniers événements en date, à la situation du moment. Des mots d’ordre excellents, qui entraînent et enivrent, mais sont dépourvus de base solide, telle est l’essence de la phrase révolutionnaire. [p. 11] Nous connaissons par l’expérience d’un demi-siècle de mouvement révolutionnaire en Russie une foule d’exemples d’une résistance inopportune à la réaction. [p. 17] Nous avons dit: l’insurrection n’est pas toujours opportune; faute de certaines prémisses à réaliser parmi les masses, elle tourne à l’aventure. [p. 17] Mais il n’est pas permis de tomber dans le désespoir, il est inadmissible d’oublier que l’histoire connaît des exemples d’humiliations plus grandes encore [p. 46] Pourtant, les peuples écrasés par des vainqueurs féroces et cruels ont su se redresser et reprendre vie. » (Œuvres, tome 27, Éditions Sociales, Paris, 1980)


Les services spéciaux états-uniens et le Canada

À n’en point douter, les services spéciaux états-uniens ont déployé toute l’artillerie lourde. Déjà, des voix mettent en garde les pays voisins susceptibles de connaître le même sort, même si le peuple hondurien n’a pas dit son dernier mot. Une question se pose: quelle est la relation des services spéciaux des États-Unis avec le Canada? Entendons-nous quels sont les liens du FBI, de la CIA notamment avec la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité et même de la Sûreté du Québec?
(Photo: édifice central du gouvernement fédéral du Canada au centre-ville de Montréal, le complexe Guy-Favreau)

C’est tout à fait normal et légitime que des organismes de sécurité existent au Canada pour assurer la protection des citoyens contre les terroristes, les fanatiques et les trafiquants de tous genres; mais ne risque-t-on pas de faire l’amalgame avec les groupes politiques, syndicaux et sociaux qui oeuvrent pour le mieux-être de la population? En plus, à quel niveau se situe la coopération entre les corps policiers et de sécurité entre les États-Unis et le Canada? Est-ce comparable à ce qui se passe en Amérique latine? Qui dirige qui? Le parlement canadien ou des instances étrangères? D’autant plus, que le type d’armement dont dispose l’armée hondurienne dans le cas qui nous occupe n’a rien à voir, disons, avec la lutte contre les cartels de la drogue. L’équipement sophistiqué et l’entraînement militaire a plutôt à voir avec le contrôle des populations locales… On ne peut accepter cela! On ne peut rester indifférent devant les exactions contres ces peuples qui en « arrachent » pour vivre juste un tout petit peu mieux. La démocratie, c’est bon pour tous les peuples. Il n’y a pas de petit ou de grand peuple. La liberté est une réalité en devenir pour tous.

Les Canadiens doivent se sentir blessés quand on sait que « le Canada est le seul pays des Amériques à ne pas avoir exigé explicitement le retour de Zelaya au pouvoir ». Ce fait a été rapporté par l’Agence de presse Canada-Amérique latine au début de juillet. De plus, le Canada n’a pas cessé son aide, y compris l’aide symbolique militaire, à la junte qui assume le pouvoir illégalement depuis le 28 juin, date du kidnapping du président Zelaya.

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