mercredi, avril 25, 2007

SONNES A KABOUL

vol. 7, no. 5 Mai 2007

Interrogation : est-ce que les Forces canadiennes font partie de la politique étrangère du Canada? A-t-on renoncé au rôle pacifique des casques bleus? Voilà pour le volet social! Et que penser de la maladie mentale pour ces jeunes gens qui même s’ils sont bien entraînés pour le combat, ne sont pas à l’abri des séquelles psychologiques de celui-ci. Abordons le constat qui, lui, est lourd et la solution qui est, elle, accessible.

Daniel Paquet

Le général et théoricien militaire prussien Karl von Clausewitz (1780-1831) a vécu dans un monde où l’on affirmait que la guerre est de la politique par d’autres moyens. Aujourd’hui, le dicton veut que la politique soit la prolongation de l’économie. Pour justifier tout cela, le gouvernement du Canada recrute, non sans difficultés, des jeunes gens qui viendront grossir les rangs des Forces canadiennes. «Le programme d’encadrement des jeunes de 12-18 ans n’a été traditionnellement que pour les cadets militaires, s’élevant jusqu’à $1 milliard pour la dernière décennie. Alors qu’il y a 350 000 scouts et guides comparés aux 56 000 cadets, les premiers ne reçoivent pratiquement aucun sou public. Le coût pour l’entraînement de cinq cadets équivaut à ce que reçoivent les Guides du Canada pour un an». C’est ce que rapportait le bimensuel ouvrier People’s Voice de Vancouver, en mai 2006.

Éventuellement, beaucoup de ces cadets joindront les Forces ainsi que d’autres jeunes alléchés par tout le dispositif financier dont jouit l’état-major pour attirer des jeunes assez oisifs et sans buts bien définis. Une fois bien entraînés, ils partent en mission. A l’instar des États-Unis, le Canada est en guerre… en Afghanistan. Tout près, en Irak, les États-Unis ont créé les conditions pour que les compagnies pétrolières profitent de la guerre et de l’occupation. Le journal Alternatives, d’avril 2007, a noté que «le parlement irakien ne serait pas tenu informé des contrats qui seront signés. Et les différends qui ne manqueraient pas de surgir entre le gouvernement et les compagnies étrangères devraient être tranchées par les mécanismes d’arbitrage internationaux. (…) Les quelques multinationales chanceuses pourraient réussir à pomper les réserves irakiennes jusqu’à la dernière goutte avant la fin des contrats de 25 ans».

L’Afghanistan, quant à elle, laisse miroiter des trésors faciles à conquérir. Malgré tout et toujours selon le journal ci-haut cité «on estime qu’à peine 13,5% de l’aide étrangère est consacrée à des projets de développement.(…) A Kaboul, la rareté des nouvelles constructions ou des bâtiments récemment rénovés laisse songeur. Depuis 2004, rien ne semble avoir changé dans la capitale afghane : les mêmes bâtiments décrépis, les mêmes coupures de courant, et toujours le même parcours du combattant pour circuler sur la route qui relie la ville et l’aéroport».

Pourtant, à Washington, l’heure n’est pas au retrait des troupes, selon le président Bush. Il veut davantage de soutien financier de la part du Congrès dominé par les démocrates depuis les dernières élections législatives de novembre 2006. Le quotidien Métro du 4 avril 2007 précise que le chef de la Maison-Blanche a «demandé (…) plus de 100 milliards de dollars pour la guerre en Irak et en Afghanistan», alors que le Congrès exige le retour au pays du gros des troupes «d’ici au 31 mars 2008».

La santé mentale de nos soldats

«Dans le cadre de notre mission en Afghanistan, nos soldats font face aux combats les plus durs qu’ils aient connus. Il ne faut donc pas s’étonner que cela ait des effets psychologiques sur certaines de nos troupes», a commenté le porte-parole libéral en matière de défense, M. Coderre. «Mais il incombe aux gouvernement conservateur de se pencher sur la question. Les Canadiens ont le droit de savoir quelles sont les répercussions de la mission en Afghanistan sur nos soldats et sur leurs familles et d’êtres assurés qu’ils bénéficient des traitements nécessaires». M. Coderre réagissait ainsi lors d’une entrevue à La Presse en mars 2007, suite à un rapport sur la santé mentale des soldats canadiens de retour de mission.

Le même journal relate que «lors du précédent déploiement en Afghanistan des soldats de Valcartier en 2004, plusieurs militaires ont développé des problèmes de santé mentale. Et ce malgré une mission relativement tranquille. (…) On s’attend à voir plus de cas de stress opérationnel, ce qui inclut le stress post-traumatique, la dépression et l’anxiété», confirme le major Chantal Descôteaux, médecin-chef de la garnison de Valcartier.

Quelques jours plus tard, un quotidien de Québec, Le Soleil, annonçait que «la multiplication des problèmes de santé mentale au sein de l’armée force un nombre croissant de militaires à prendre leur «retraite»» avant d’avoir la quarantaine (…) Et avec le retour d’Afghanistan dans un an des 2500 soldats de Valcartier, Pierre Bertrand ( directeur du bureau de Québec d’Anciens combattants Canada –ACC-) s’attend à une nouvelle vague au Québec en 2008 et en 2009». Selon les récentes arrivées de militaires soumis aux rudes combats de Kandahar, environ 10% souffrent de stress opérationnel à leur retour.

Que faire alors? Espérer que la situation se normalise rapidement en Afghanistan? Par réflexe, on se tourne vers les Etats-Unis qui sont le grand maître d’œuvre de ces guerres ruineuses et meurtrières, car il y n’y a pas que des soldats occidentaux qui meurent, une pensée pour les populations locales s’impose aussi!

L’hebdomadaire de gauche People’s Weekly World de Chicago compare la guerre actuelle à celle du Vietnam en rappelant que lors «du Moratoire sur le Vietnam des millions de personnes s’étaient réunies dans les rues du pays le 15 octobre 1969. Un mois plus tard, un demi-million de protestataires ont envahi Washington. Le 4 mai 1970, des millions d’étudiants ont quitté leurs cours pour dénoncer l’invasion du Cambodge par Nixon qui les a affublé du titre de «bums», et a mobilisé la Garde nationale qui a ouvert le feu à Kent dans l’Ohio tuant quatre d’entre eux; et à Jackson dans le Mississipi où deux autres ont trouvé la mort. Nixon a continué le bain de sang au Vietnam pendant encore cinq ans. Cela ne doit pas se répéter. La Chambre des représentants a entrepris une étape historique [pour rapatrier les troupes au pays]. Avec suffisamment de pression de la base, il en sera de même au Sénat. Voilà les conditions réunies pour que le Congrès utilise son «pouvoir de dépenser» et termine la guerre en Irak.»

Par extension, il en sera ainsi de la guerre en Afghanistan!

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