dimanche, octobre 30, 2005

Novembre 2005, vol. 5, no. 6

La fatigue et le silence


Ils font peine à voir lorsqu’ils reviennent du boulot. Ils sont crevés. Ce sont des ouvriers des parcs industriels ou des employées du centre-ville. Tels des esclaves, ils refont le film de la journée. Une journée parmi tant d’autres où ils auront dû vendre leur force de travail sans trop barguigner sur la valeur de celle-ci : ce sont des esclaves salariés. On en parlait déjà au 19ème siècle à l’époque d’Engels.
Ils échappent à la monotonie en regardant la télé. Les images s’ingurgitent rapidement. Apparemment rien ne les concerne directement. Peut-être les bulletins de nouvelles, toujours les mêmes…
Pendant la journée dans les «shops», les cadres leur ont poussé dans le dos car ils ne vont jamais assez vite. Du reste ils auraient pu faire mieux, mais ça les cadres ne leur accordent même pas : «vous n’êtes pas payés pour penser, mais pour travailler!» Quand ils regardent les bulletins de nouvelles, ils se révoltent intérieurement contre ces nouveaux pharaons qui dirigent le pays et qui s’époumonent sur la productivité, la flambée –incompréhensible!- du prix du pétrole. Il semblerait que la classe ouvrière vit dans un monde inexplicable. Affirmer que le grand patronat court après les profits : complot, dites-vous!, mais vous êtes malades… Dans les bureaux où s’agglutinent les femmes souvent mariées à ces mêmes ouvriers, les employées doivent faire les «fines». Et si elles souffrent dans leur âme, tentées par les Programmes d’aide aux employés (PAE), elles sentent qu’elles n’ont pas un mot à dire.
Désabusés, des travailleurs s’interrogent sur la pertinence du syndicat. Quel pouvoir a-t-il? Arrive-t-il à protéger tous ceux qui voudraient un peu plus de sécurité ou simplement jouir des fruits de la société?
Car il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le Canada est un pays riche. Mais comment est-elle distribuée cette richesse? Le pouvoir d’achat recule, lui. On délocalise les emplois vers la Chine ou le Mexique où la main-d’œuvre est meilleur marché. En soi, ce n’est pas mauvais pour les travailleurs de ces pays qui en ont grandement besoin, mais ici que fera-t-on pour aider les chômeurs?
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heure, il n’y a aucune solution, hormis la participation des centrales syndicales pour la syndicalisation de masse de la classe ouvrière, la réduction de la semaine de travail à 32 heures sans perte de salaire et la nationalisation des grandes entreprises comme Bombardier pour qu’elles appartiennent au réseau public de l’économie canadienne.
Désormais, il faudra remettre à jour la discussion sur le socialisme au pays, pour démocratiser davantage la vie quotidienne.